Élan de mobilisation sur les conditions de stage en éducation

Élan de mobilisation sur les conditions de stage en éducation


Igor Sadikov
redaction@journalclarte.ca
Clarté #50 – Mars 2023


À l’UQAM, l’automne dernier a été marqué par une grève de cinq semaines des étudiant·es en éducation. Cette grève, qui s’est soldée par la conclusion d’une entente comprenant 30 engagements formels de l’administration concernant les conditions de stage en éducation, a été l’occasion de constater le niveau actuel de la mobilisation étudiante à l’UQAM et s’inscrit dans la continuation de la lutte pour la reconnaissance et la rémunération du travail des stagiaires.

Après avoir fait grève pendant une semaine en mars 2022 pour la rémunération des stages, les membres de l’ADEESE, l’association facultaire en éducation, constatent que la mobilisation n’est pas suffisante pour un mouvement large de grève étudiante sur cet enjeu et décident d’orienter leur lutte vers des revendications propres aux conditions de stage à l’UQAM. En octobre 2022, plus de 5 000 étudiant·es partent en grève illimitée, réclamant un plafond aux heures de travail en milieu de stage, une plus grande flexibilité dans les journées d’absence, des mesures d’accommodement pour les parents étudiants et des mesures de protection contre le harcèlement en milieu de stage – des revendications touchant particulièrement les femmes, majoritaires en éducation. Par le passé, des étudiantes victimes de harcèlement ont dû quitter leur milieu de stage et retarder significativement leur cheminement. Il s’agit notamment d’exiger le respect de la loi 2 sur la protection des stagiaires, adoptée en février 2022, qui permet aux stagiaires de s’absenter dix jours par année et exige que l’établissement d’enseignement prenne tous les moyens raisonnables pour protéger les stagiaires du harcèlement.

L’administration de l’UQAM espérait visiblement que la grève s’essouffle sans qu’elle n’ait à négocier sérieusement avec les grévistes. Les instances de l’UQAM se renvoient la balle et la faculté n’accorde qu’une rencontre de deux heures par semaine au comité de négociation étudiant, ce qui explique la longue durée de la grève aux yeux de l’ADEESE. Après cinq semaines de grève, les étudiant·es obtiennent la création d’un poste à l’UQAM dédié à la réponse aux situations de harcèlement en stage, l’adaptation des modalités des stages aux dix jours d’absence prévus à la loi 2, ainsi qu’un nombre d’engagements concernant la formation, la sensibilisation et la création de comités de suivi. Il s’agit d’un gain respectable, mais le maintien de la mobilisation est essentiel pour s’assurer que les engagements soient respectés.

À la fin de la grève, le Conseil d’administration de l’UQAM, sur recommandation de la Commission des études, adopte des modalités de reprise des cours en vertu desquelles plusieurs étudiant·es en stage recevraient une mention d’abandon. Cette mesure de représailles, visant à décourager le recours à la grève étudiante, déclenche une mobilisation immédiate de la presque totalité des facultés uqamiennes en défense du droit de grève. Des centaines d’étudiant·es se présentent aux assemblées générales pour voter des mandats de grève générale en solidarité avec les étudiant·es en éducation. Devant cette pression, l’administration recule et aucune mention d’abandon n’aura finalement été imposée. Il s’agit d’une importante démonstration de force de la part des associations étudiantes.

Pendant la grève, l’ADEESE a aussi entamé une campagne de syndicalisation des stagiaires, avec l’aide du syndicat des employé·es étudiant·es de l’UQAM (SÉTUE) et de l’AFPC-Québec. Ciblant trois centres de services scolaires montréalais, cette campagne vise à attirer l’attention sur les conditions difficiles des stages en enseignement et à faire reconnaître le droit à la syndicalisation des enseignant·es stagiaires. Bien que cette bataille juridique soit loin d’être gagnée tant que les stages demeurent non rémunérés, il est encourageant de voir les étudiant·es en stage faire front commun avec le mouvement syndical. En effet, les stages non rémunérés sont concentrés dans les domaines liés aux services publics, comme l’éducation, les soins infirmiers, la pratique sage-femme, le travail social et l’éducation à l’enfance. La lutte pour l’abolition des stages non rémunérés dans ces programmes d’étude, où les femmes sont majoritaires, rejoint la lutte contre l’effritement des conditions de travail dans ces domaines et pour le réinvestissement dans la santé et l’éducation comme services publics.

Il est grand temps que tous les stages soient rémunérés à leur juste valeur et que les stagiaires des services publics disposent d’un droit de regard sur leur rémunération et leurs conditions de travail au moyen de la négociation collective. À travail égal, salaire égal!