Les femmes et le Front commun
Les femmes et le Front commun
Bureau syndical
redaction@journalclarte.ca
Clarté #50 – Mars 2023
Le 8 mars, c’est la journée la plus importante du calendrier pour le mouvement des femmes. Rappelons qu’à l’origine, la Journée internationale des droits des femmes est une commémoration du rôle des femmes ouvrières à St-Pétersbourg en Russie, qui ont manifesté le 8 mars 1917, et qui selon les historiens bolchéviques sonnait la cloche du début de la (première) révolution russe de 1917. Où en sommes-nous quant au mouvement des femmes au Québec, du point de vue ouvrier?
La question de l’équité salariale est toujours au centre des préoccupations féministes des syndicats, avec raison. Depuis 1996 avec l’adoption de la loi provinciale en la matière, les syndicats continuent de lutter pour sa véritable mise en application. À son adoption, les femmes gagnaient en moyenne 83% du salaire des hommes au Québec. En 2021 on était à 90.8%, un chiffre qui a d’ailleurs baissé d’un pourcentage depuis l’année précédente. De plus, il faut savoir que les écarts sont généralement plus grands pour les minorités que ce soit raciales, d’orientation sexuelle, etc.
Les femmes sont l’immense majorité des syndiqués du Front Commun intersyndical actuellement en négociation avec le gouvernement provincial: 78%! Ceci fait du FC une lutte des plus incontournables pour les femmes du Québec, pour ne pas parler de toutes les autres manières dont les femmes sont touchées par la qualité des services publics. C’est pourquoi il est particulièrement important de lier les questions féministes aux questions socio-économiques défendues par le FC et de maintenir à tout prix ce rapport de force avec le gouvernement qui souhaite couper les salaires des travailleuses et le financement des services publics.
Pour parler plus spécifiquement des services publics: un enjeu central du mouvement féministe a toujours été de créer des institutions publiques qui prendraient en charge beaucoup des tâches jusque là exercées gratuitement par des femmes, au foyer. Ceci ne va pas à l’encontre d’une prise en charge des tâches domestiques plus équitable entre les sexes, mais va plutôt de pair. Lorsque les écoles, les services de santé, les garderies, les centres de loisirs et ainsi de suite sont sous-financés, ce sont malheureusement surtout les femmes qui prennent la relève: aide aux devoirs, aide aux aîné-es, cuisine, prise en charge des malades, etc. C’est du travail non rémunéré dont bénéficie la classe capitaliste mais qui ruine le corps et l’esprit des femmes qui le font. D’où l’importance de défendre et élargir les services publics en tant que salaire socialisé et projet de société féministe.
Sur des questions moins liées au milieu de travail comme tel, le mouvement ouvrier a certainement son mot à dire. La force du mouvement des femmes québécoises d’antan était son intégration avec le mouvement syndical. Depuis que cette intégration a été radicalement diminuée, tout le mouvement en souffre, dans les deux directions. Que les préoccupations ouvrières ne soient plus au centre du mouvement pousse les organismes tels que la Fédération des femmes du Québec les détourne vers un futur de plus en plus marginal plutôt que d’être au centre des débats de la majorité des femmes québécoises. C’est au mouvement syndical de reprendre sa place au sein de la FFQ et des questions les plus préoccupantes pour les femmes.
Pour que le mouvement syndical réintègre et reprenne le leadership du mouvement des femmes québécois, ça prend du leadership politique au sein-même des syndicats pour pouvoir dire: la lutte des femmes pour l’égalité et la liberté, c’est l’affaire de tous et toutes. Il faut que les comités femmes et les revendications des femmes ne soient pas marginalisés et ghettoïsés des priorités du mouvement mais bel et bien intégrés à celles-ci. Plusieurs des grandes conquêtes de la société québécoise sont nées de l’étroite relation du mouvement syndical et des femmes: droit à la syndicalisation du secteur public, réseau des services de garde, etc. Continuons le combat et donnons-nous les moyens de gagner.