Le mouvement des femmes doit renouer avec ses origines anti-impérialistes et anti-monopolistes
Le mouvement des femmes doit renouer avec ses origines anti-impérialistes et anti-monopolistes !
Bureau syndical
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Clarté #50 – Mars 2023
Les origines du 8 mars remontent aux débuts du 20e siècle. À cette époque, il s’agissait non pas de la Journée internationale de la femme, mais bien de la Journée de la femme ouvrière. C’est Clara Zetkin qui, à l’occasion d’une rencontre de l’Internationale socialiste à Copenhague en 1910 met de l’avant l’idée d’une journée consacrée aux droits des femmes, celles qui ne reçoivent que double ration de misère. En 1915, les ouvrières norvégiennes manifestent ce même jour avec pour slogan « guerre à la guerre ». Deux ans plus tard, les ouvrières et femmes de soldats de Pétrograd se soulèvent avec pour slogan la paix et le pain. Elles initient ainsi la Révolution de février qui donnera lieu à celle d’Octobre 1917.
Plusieurs années plus tard, en 1945, les femmes du monde entier se réunissent à Paris. Parmi celles-ci, on compte la cubaine Vilma Espin, La Pasionaria (Dolores Ibarruri), la Bulgare Tsola Dragoycheva, les françaises Jeanette Vermeersch et Eugénie Cotton ainsi que tant d’autres femmes dont le mouvement « féministe » issu des universités à la solde de l’impérialisme a orchestré la « cancellation ». Et pour cause : ces dernières cherchaient avant tout à prendre racine dans l’Internationale socialiste des femmes de Zetkin. Elles voyaient donc la libération de la femme comme corollaire à celle du prolétariat et des masses laborieuses en plus de lutter en masse contre la guerre, le fascisme et le système qui rend ces deux barbaries contemporaines nécessaires. C’est ainsi qu’elles créent la Fédération démocratique internationale des femmes, toujours active aujourd’hui.
Dans les années 1960, se pose un dilemme au sein du mouvement des femmes : doit-on être féministes (donc essentialistes devant notre condition de femmes) ou doit-on, au contraire, nous inscrire dans l’universalité du combat de la classe ouvrière et des masses populaires? Nombreuses sont les conférences où cet enjeu devient une ligne de fracture importante. D’un côté, les femmes du « tiers-monde » et des pays socialistes rappellent le caractère massif, collectif et indissociable de la lutte des femmes par rapport à celle des masses populaires en général. De l’autre, elles sont souvent incomprises par leurs consœurs des pays occidentaux qui estiment que la lutte des femmes passe avant tout par une libération individuelle et sexuelle. Les bombes et le napalm ne font pas de distinction entre hommes et femmes…
À partir des années 1980, la contre-révolution néolibérale n’a pas seulement prise sur les aspects économiques de la société. Elle influe également sur les questions politiques. Le « féminisme bourgeois » des années 1960 – 1970 (développé en contradiction totale avec le mouvement des femmes anti-impérialiste et anti-monopoliste des années précédentes) introduit l’idée dangereuse selon laquelle « tout est politique » (entendre ici tout sauf le socio-économique et l’international) – du moins dans les pays impérialistes. Les questions individuelles deviennent l’axiome principal du mouvement.
Les femmes ne seraient plus victimes du patriarcat induit par la division de la société en classes, mais plutôt des hommes et, plus particulièrement, des hommes de la classe ouvrière. Être femme précèderait une appartenance de classe et les revendications du mouvement féminin s’éloignent de plus en plus des luttes socio-économiques et anti-impérialistes.
Ainsi, Margaret Thatcher et Olympe de Gouges seraient-elles traîtresses à leur genre ou fidèles à leur classe?
Au cours des dernières années, on a vu les mouvements #MeToo ou #BalanceTonPorc, celui des « Femmes contre Trump » ou encore des différentes déclinaisons de « grèves féministes » appelant les femmes à marquer des arrêts de travail le jour où les hommes ont gagné leur salaire moyen.
D’un côté, on apprécie la combativité des femmes en lutte pour leurs droits économiques (équité salariale), démocratiques et reproductifs (avortement, égalité) et fondamentaux (contre le harcèlement et les violences sexuelles à la maison, dans les lieux publics et au travail). De l’autre, le caractère individualiste et souvent essentialiste de ces mouvements représente un recul manifeste par rapport aux luttes sociales, politiques et démocratiques des pionnières du mouvement des femmes. Il cherche à dévoyer le potentiel de la lutte du mouvement des femmes vers des questions au final citoyennes et sociétales qui ne coûtent rien au capital.
Parions cependant que l’agressivité croissante de l’impérialisme, les transferts massifs de plus en plus odieux d’argent du travail vers le capital, l’érosion des droits démocratiques pour les classes populaires; bref l’exacerbation de l’affrontement entre capital et travail forceront le mouvement des femmes à s’éloigner des académies et universités pour renouer avec ses origines populaires, ouvrières voire révolutionnaires. Espérons qu’il enterre la réactionnaire qu’Était Olympe de Gouges et se revendique du projet révolutionnaire dont étaient porteuses les « tricoteuses » armées de leurs « perfides aiguilles » en 1792, les pétroleuses et communardes de 1871, Clara Zetkin ou, plus près de nous, les Radical Housewives des années 1930, les Blanche Gélinas et Laurette Chrétien, instigatrices de la Ligue des femmes du Québec et militantes cardinales de la Voix des femmes pour la paix.