Un an de guerre en Ukraine : bâtir les assises pour une paix juste et durable
Un an de guerre en Ukraine : bâtir les assises pour une paix juste et durable
Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #50 – Mars 2023
Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Un an plus tard, force est de constater qu’il s’agit en fait d’une fuite en avant de l’impérialisme occidental affaibli dans sa tentative d’expansion vers l’est dont il ne peut plus faire l’économie du contrôle économique, politique et militaire des ressources naturelles et marchés. Il en va de sa survie. Il n’est donc pas d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine, mais bien d’une guerre de l’OTAN et de ses alliés visant la saignée totale de la Fédération de Russie. Merkel et Hollande l’ont même confirmé en affirmant que les accords de Minsk n’étaient rien de plus qu’une stratégie pour « gagner du temps » et permettre le réarmement de l’Ukraine.
En un an, les États-Unis à eux seuls ont dépensé 46,56 milliards de dollars en aide strictement militaire pour l’Ukraine. Le Canada ferme la marche du « top 5 » avec 1,35 milliards. À lui seul, ce groupe qui chapeaute les 45 pays qui ont décidé de jeter de l’huile sur le feu en misant sur une solution militaire à cette confrontation a engagé plus de 58 milliards de dollars destinés à l’armement de l’Ukraine.
Ces chiffres peuvent paraitre faramineux, mais ils ne sont rien en comparaison à une guerre directe entre l’OTAN et ses alliés contre la Russie. Autrement dit, les milliards en armement envoyés cachent le fait que le peuple ukrainien ne sert que de chair à canon pour l’impérialisme occidental qui ne cherche pas une victoire de l’Ukraine, mais celle de ses monopoles.
Malheureusement, la propagande de guerre déversée à longueur d’ondes et d’éditoriaux de toute sortes fait mouche. Les fauteurs de guerre sont encensés alors qu’on fait des partisans de la paix des va-t-en-guerre. Les espaces politiques pour s’opposer à cette guerre de rapine sont réduits à peau de chagrin.
À gauche, on se range religieusement dans le consensus pro-OTAN, on appelle à renforcer l’effort de guerre de « notre » propre impérialisme comme on appelait à tuer du Boche en 1914. Le NPD vote les crédits de guerre libéraux. Vincent Marissal de QS se targue d’être l’auteur de la motion pro-Guerre en Ukraine adoptée unanimement à l’Assemblée nationale et pavane aux côtés de Manon Massé à un rassemblement pro-OTAN. De façon tout aussi dangereuse, les centrales syndicales, une semaine après le début de la guerre, se rangeaient du côté de l’OTAN.
À droite, on appelle à plus de dépenses militaires pour renforcer le NORAD, à dépasser les 2% du PIB consacrés aux dépenses militaires, bref, on veut la guerre totale. Et les Libéraux ne font pas la sourde oreille. Même Legault se range derrière ce consensus.
Le plus troublant cependant, c’est qu’on voit poindre, en conséquence de décennies d’effacement de la gauche dans la lutte pour la paix et la solidarité internationale, des voix populistes de droite essayer d’occuper ce terrain. C’est notamment le cas de Maxime Bernier qui feint désirer une solution négociée avec Poutine.
Gare au piège discursif cousu de fil blanc! Bernier lui-même a été ministre des Affaires étrangères et s’est montré des plus fidèles à l’OTAN. On connait la rengaine : son discours ne sert qu’à générer un capital politique qu’il dilapidera au moment opportun, exactement comme le Pen et Meloni. Parions également que la confusion qu’il fait régner est une aubaine pour la classe dirigeante.
Or, il y a plus important. Ces partisans de la paix auto-proclamés cherchent en fait à gagner du temps en vue d’un affrontement autrement plus violent – sans doute contre la Chine. Ces prétendus « souverainistes » ne défendent pas la Russie parce qu’elle tient tête à l’OTAN et à l’Union européenne du capital, mais parce qu’elle se prétend garante de valeurs civilisationnelles occidentales.
Plus fondamentalement, ils défendent les intérêts d’une section du capital qui ne s’oppose pas à la mondialisation, mais à sa version libérale. Ils défendent un impérialisme basé non plus sur la délocalisation et la spéculation, mais sur la production locale et des subventions massives aux industries lourdes. Or, pour que ce modèle soit rentable, il faut d’abord mettre au pas les travailleur-euses et les syndicats. En ce sens, Poutine sert d’exemple avec son autoritarisme, sa mise au pas des travailleur-euses par les syndicats contrôlés par sa garde politique, l’érosion des droits démocratiques, les subventions promises aux monopoles en échange de leur participation à l’effort de guerre.
Bref, il ne s’agit que d’une querelle entre deux sections du capital qui espèrent une victoire militaire d’un camp contre un autre. Aucune des deux n’aspire à une paix juste et durable. À nous, donc, d’en bâtir les assises.