Gauche du travail ou gauche des allocations?

Gauche du travail ou gauche des allocations?


Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #51 – Avril 2023


En septembre dernier, le Secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel, faisait les choux gras de la presse en se réclamant de la « gauche du travail » opposée à la « gauche des alloc’s ». En ce premier mai, nous ne pouvons que nous ranger du côté de Roussel et appuyer la gauche du travail, la seule gauche réellement progressiste. 

La « valeur travail » n’est pas qu’un concept économique, il est également anthropologique. Il permet à l’humain de s’élever de l’état de nature vers un état de culture. La valeur travail est donc éminemment progressiste, tout comme le travail en soi qui est une vertu révolutionnaire. 

D’un point de vue économique, celui qui ne travaille pas vit du travail des autres. C’est d’ailleurs le propre du capitalisme : une minorité exploiteuse vit du travail de la majorité. Les apôtres anarchisants du « droit à la paresse » ne font que perpétrer cette idée de faire travailler les autres… pendant qu’eux vivent en petits grands seigneurs oisifs. 

Que disait Lénine ? “Qui ne travaille pas ne mangera pas”…  

Évidemment, ce principe de base, il le pose pour le socialisme où le but n’est plus de générer des profits, mais de créer de l’emploi pour tous et toutes, y compris les personnes qui, en régime capitaliste, sont présumées inaptes à travailler. 

On le sait, le chômage n’est pas naturel, mais plutôt induit par le capitalisme qui a besoin de cette “armée industrielle de réserve” pour faire pression à la baisse sur le “coût” du travail. S’ils le pouvaient, les capitalistes mettraient tous les travailleur-euses en chômage et les utiliserait comme bassin de main d’œuvre corvéable et disposable à merci. Mussolini n’avançait-il pas, en son temps, que la meilleure façon de se débarrasser des syndicats et d’en finir avec la classe ouvrière? Son rêve semble devenir peu à peu réalité avec les avancées technologiques qui permettent une “flexibilité d’emploi” accrue. 

Ainsi, la bataille de l’emploi et des salaires est sans doute la plus importante à mener dans une perspective de transformation sociale révolutionnaire. Ces technologies qui permettent d’accroître notre exploitation lorsqu’elles sont aux mains des capitalistes permettraient au contraire d’alléger la charge de travail et  réduire le temps ouvré en nos propres mains. 

Or, lier les luttes sociales, économiques et politiques à la lutte sur les lieux de travail, donc directement à l’affrontement entre capital et travail, voilà ce que honnit cette “gauche des allocs’”. Ce faisant, elle se campe dans une logique non seulement réformiste, mais lobbyiste. Elle demande au gouvernement au lieu d’affronter le capital. 

Bien sûr, la gauche du travail ne s’oppose pas aux “allocs”, loin s’en faut. Mais elle revendique que celles-ci doivent être, autant que possible, liées aux batailles en entreprise. Inversement, la gauche des ‘allocs’ cherche elle à rendre le capitalisme viable sans batailles en entreprise. Elle cherche en fait à cloisonner l’économique et l’immédiat du politique et donc, du long-terme; éloigner le syndical du politique. 

Alors que la France connaît un soulèvement massif contre une réforme qui sonnerait le glas du système de retraites, on doit se rappeler qu’à l’origine, dès 1945, le financement de la sécurité sociale était aux mains des salariés et non de l’État. Le rapport de forces en entreprise – donc la lutte constante entre le capital et le travail – déterminait les prestations sociales, ce qui conférait immédiatement à toute lutte syndicale un aspect politique. Dès 1967, le tandem DeGaulle – Pompidou répondaient favorablement aux demandes du patronat et exigeaient à l’État de mettre les syndicats au pas. Une décision qui se révélera funeste pour la classe ouvrière et qui n’est pas étrangère à la bataille actuelle.