La face très peu cachée de l’anti-syndicalisme d’Éric Duhaime

La face très peu cachée de l’anti-syndicalisme d’Éric Duhaime


Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Clarté #49 – Janvier 2023


En 2013, le présent chef du Parti conservateur du Québec publiait son ouvrage « Libérez-nous des syndicats! » À peine dix ans plus tard, son parti raflait presque 15% du vote populaire au Québec lors des élections provinciales de 2022. Au-delà des questions strictement politiques, quel impact aura-t-il sur le mouvement syndical?

Déjà aux prises avec le gouvernement de droite dure de Legault, les syndicalistes québécois-es n’ont pas besoin de chercher la bagarre, elle est déjà engagée. Mais le patronat a clairement démontré son état d’esprit en mettant le vent dans les voiles du PCQ nouvellement dirigé par Duhaime. Il faut se référer à ce sale tract antisyndical de 2013 pour savoir quel type d’homme ils ont lâché sur la population québécoise.

Ce n’est vraiment pas la peine de lire l’entièreté du torchon de 150 pages, une diatribe qui tire dans tous les sens, sans référence, s’appuyant sur des cas isolés, des scandales, des ouïes-dires et ainsi de suite. Mais quand on arrive au chapitre des “solutions concrètes” on voit vraiment de quel bois il se chauffe. 

Que se soit l’abolition de la cotisation syndicale obligatoire, la restriction de l’activité politique des syndicats, l’abrogation des lois anti briseurs de grève, l’abolition du droit de syndicalisation dans la fonction publique et j’en passe, Duhaime propose rien de moins que l’abolition du droit à l’association pour la classe ouvrière. C’est même le titre de son ouvrage, si on suit le slogan jusqu’à sa fin logique.

Bien sûr, Duhaime a été extrêmement prudent durant la campagne électorale, puisque ce genre de plateforme révèlerait au grand jour ses allégeances de classe et qu’elle ne reflète pas du tout l’opinion de la grande majorité des Québécois-es, probablement même pas au sein même de son propre parti. Donc, quelle est sa fonction dans l’échiquier politique actuel et pourquoi l’a-t-on promu à outrance durant les dernières années dans les médias monopolistes du Québec?

Ce n’est pas compliqué: quand la classe capitaliste voit une grosse crise à l’horizon, l’extrême droite devient son arme de choix, comme le démontre clairement l’histoire. Effectivement, combien d’indicateurs économiques nous rappellent la crise des années 1930? Le rôle de l’extrême droite en temps de crise est multiforme: à la fois on déplace la fenêtre d’Overton vers la droite pour venir à la rescousse du centre qui perd sa légitimité, on réchauffe le discours identitaire pour fracasser la solidarité de classe, on créé un faux “ennemi” qui est plutôt un allié à qui on pige des politiques et des discours, et surtout c’est le meilleur allié pour affronter une classe ouvrière organisée et combattive qui essaie de se défendre contre les conséquences de la crise. 

Alors, au final, pourquoi le mouvement syndical doit prendre note d’Éric Duhaime, son parti, son approche aux syndicats? Parce que la classe capitaliste n’est pas sotte: elle voit très bien la crise qui s’installe et elle compte en tirer profit. Qui peut s’opposer à ça? Seulement le mouvement ouvrier organisé, à la fois les syndicats, mais aussi le Parti communiste, les associations ouvrières et populaires et ainsi de suite. Le mouvement syndical est présentement le mieux organisé, financé et capable d’agir parmi ces derniers au Québec. Il ne faut pas chercher plus loin! Parfois la réponse la plus évidente est la meilleure.

Le fait de légitimer un gars comme Duhaime en ce moment, c’est précisément pour pouvoir utiliser la puissance de l’idéologie d’extrême droite contre le mouvement ouvrier en moment de crise capitaliste. Maintenant il faut que le mouvement syndical prenne ses responsabilités et y oppose un discours de classe et de combat, sans quoi toute la classe politique actuelle tendra de plus en plus dans la direction de l’antisyndicalisme le plus réactionnaire.