Hydro-Québec : gare aux entourloupes politiciennes
Hydro-Québec : gare aux entourloupes politiciennes
Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #49 – Janvier 2023
Sophie Borchu, PDG d’Hydro-Québec depuis 2020, a surpris récemment en annonçant son départ de la présidence de la société d’État deux ans avant la fin prévue de son mandat.
Les spéculations quant aux raisons de son départ prématuré ne se sont pas fait attendre. D’emblée, on a souligné sa sortie critique à l’effet de placer Hydro-Québec sous la houlette du « super ministère » de l’Économie ___ commandé par Pierre Fitzgibbon. D’autres ont rappelé son opposition à ce que le Québec devienne un « Dollarama » de l’électricité pour les États-Unis.
Communistes, dès la création de ce super-ministère, nous avions souligné le danger du plan politique du gouvernement Legault : brader les ressources naturelles du Québec au profit des grandes entreprises privées, locales comme transnationales. La démission de Mme Brochu semble confirmer cette analyse.
Il n’en demeure pas moins que si les raisons laconiques invoquées par cette dernière cachent certainement des motifs plus profond à son départ, en faire un symbole de résistance à la mainmise de la CAQ sur notre entreprise d’État revient à tomber dans le piège des entourloupes politiciennes et méprendre la proie pour l’ombre.
Mme Brochu est un pur produit du capitalisme monopoliste d’État. Au cours de ses années dans les plus hautes sphères de la direction de Gaz Métropolitain, devenu Énergir en 2017 (1997 – 2020), elle a appliqué scrupuleusement le plan du patronat. Elle a poursuivi la stratégie de M. Caillé (qui, lui aussi, est passé de Gaz Métropolitain à Hydro-Québec), soit de faire du Québec une plaque tournante du marché énergétique en Amérique du Nord – n’est-ce pas là une façon simplement plus élégante de faire du Québec un Dollarama de l’énergie? Elle est également celle qui a achevé la privatisation de Gaz Métro, société en commandite, en Énergir, holding énergétique détenue à 57% par deux chefs de file du capital financier : Valener Inc et Enbridge. De même, entre janvier 2017 et janvier 2023, le prix de référence du gaz (c. / m³) a augmenté de 68%.
Autrement dit, Mme Brochu a amandé le terrain pour pousser plus loin la privatisation de Gaz Métro / Énergir, de sorte que le monopole public qu’est Hydro-Québec soit, à terme, en compétition avec les monopoles énergétiques privés et que ceux-ci s’intègrent encore mieux au marché spéculatif de l’énergie. C’est dans cette perspective qu’elle a été promue PDG d’Hydro-Québec en pleine pandémie.
Il est donc difficile de croire que son départ précipité soit motivé par des désaccords fondamentaux avec la CAQ. Il s’agit sans doute de nuances dans la tactique à employer pour développer Hydro-Québec non pas selon les besoins des travailleur-euses et des masses populaires du Québec, mais selon les besoins du marché énergétique spéculatif et du capitalisme monopoliste d’État.
Dans ce contexte, la proposition des partis d’opposition exigeant une enquête en la matière n’est qu’une entourloupe politicienne. Au final, tous les partis représentés à Québec se rallient d’une façon comme d’une autre au consensus capitaliste monopoliste.
S’il est vrai que les Québécois-es ont le droit de savoir ce qui advient d’une entreprise comme Hydro-Québec, une telle proposition sert simplement à détourner la question fondamentale : celle d’un monopole 100% public sur l’énergie sous contrôle public et démocratique.