Trudeau démissionne : le mouvement syndical doit choisir

Trudeau démissionne : le mouvement syndical doit choisir


Dave McKee 
People’s Voice – Janvier 2024


Trois semaines après la démission soudaine de sa Vice-Première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland, et alors qu’un nombre croissant de députés et pontes libéraux lui demandent de se retirer, Justin Trudeau annonce le 6 janvier qu’il quitte son poste de chef du Parti libéral.

Par l’intermédiaire de leur porte-parole favori du moment, Pierre Poilievre, les chefs du milieu des affaires profitent de cette annonce pour faire pression en faveur d’une élection immédiate. Cela correspond parfaitement à leurs projets, dont faire pression de manière opportuniste pour un front uni de tous les partis afin de répondre à la menace de tarifs douaniers de Donald Trump. Ces monopolistes espèrent consolider et étendre leur pouvoir en s’intégrant aux politiques antisociales, antidémocratiques, antisyndicales et bellicistes de Trump.

Cependant, sentant que son parti sera battu, Trudeau proroge le Parlement jusqu’au 24 mars. Pendant cette période, les libéraux choisiront son remplaçant. À leur retour en mars, on peut s’attendre à ce que les partis d’opposition déposent une motion de censure et déclenchent des élections fédérales.

Trudeau et les dirigeants du Parti libéral espèrent que la pause supplémentaire de deux mois leur donnera suffisamment de temps pour stabiliser leur navire en perdition et leur donner une chance de conquérir les urnes. Il ne fait aucun doute qu’une partie de cette « remise à zéro » consistera à aligner leurs politiques sur les priorités des monopoles, afin de réduire la popularité de Poilievre, tout en s’engageant à respecter son programme d’austérité et de privatisation.

Mais la prorogation offre également une opportunité aux travailleurs, et plus particulièrement au mouvement syndical. Elle ouvre une fenêtre de près de trois mois pendant laquelle le Congrès du travail du Canada, ses fédérations provinciales et ses syndicats affiliés, ainsi que les syndicats non-affiliés au CTC et les centrales syndicales du Québec, peuvent exercer une forte pression en faveur d’un programme politique qui place clairement les besoins de la classe ouvrière avant les profits des entreprises. Ce faisant, le mouvement syndical pourrait donner le ton aux prochaines élections fédérales – qui, nous le savons tous, auront lieu très bientôt – et mobiliser des millions de travailleurs dans la lutte politique.

Imaginons l’effet d’une campagne soutenue de l’ensemble du mouvement syndical pour souligner la nécessité d’une action gouvernementale visant à réduire les prix des produits de première nécessité tels que la nourriture, le logement et le carburant, puis à augmenter les revenus des travailleurs, y compris les chômeurs et les retraités. Qu’en est-il d’une mobilisation nationale en faveur du plein emploi, étant donné que deux millions de personnes sont toujours sans emploi et que les emplois à temps plein diminuent et sont remplacés par des emplois à temps partiel ? Ou que dire d’un appel lancé d’un bout à l’autre du pays en faveur d’une véritable action contre la crise du logement, avec des baisses de loyer, un contrôle des loyers, une charte des droits des locataires et une campagne de construction massive de millions d’unités de logements publics et vraiment abordables, qui font cruellement défaut ?

C’est à là que le mouvement syndical doit lancer un véritable débat sur la nécessité de mettre en place des programmes sociaux solides et étendus dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la petite enfance, de la protection et de l’assainissement de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique. Le moment est venu pour le mouvement syndical de réclamer la fin des projets du gouvernement, soutenus par tous les partis au Parlement, visant à augmenter les dépenses militaires de plus de 100 % pour atteindre 80 milliards de dollars en moins d’une décennie et, ce faisant, à vider les caisses publiques de toute capacité à protéger et à développer les infrastructures et services publics.

Il s’agit d’un appel important, certes, mais les travailleurs ont besoin que le mouvement syndical s’engage et prenne la tête de ce genre d’action, basée sur une politique ouvrière et le syndicalisme de classe.

Si cela ne se produit pas, les trois prochains mois seront certainement dominés par un discours politique qui vendra un programme basé sur l’austérité, le militarisme, la privatisation et l’inégalité croissante. Les élections qui résulteraient de ce discours nous imposeraient tout simplement le programme des monopoles. Les syndicats et la classe ouvrière en seraient encore plus perdants.