Airbnb : fer de lance de la spéculation
Airbnb : fer de lance de la spéculation
Manuel Johnson
Clarté – Janvier 2024

Les entreprises de location à court terme comme Airbnb sont un parfait exemple du capitalisme parasitaire. Elles ne produisent strictement rien, accaparant plutôt des portions significatives du parc locatif existant afin d’extraire un maximum de valeur, en chassant les locataires de la classe ouvrière et en réduisant le nombre d’unités locatives disponibles. Elles poussent nos travailleurs à jeter leurs forces vives dans la construction spéculative plutôt que dans les logements sociaux.
Pire, elles ne paient même pas d’impôt sur les profits mirobolants qu’ils engrangent, s’abritant dans des paradis fiscaux comme l’Irlande.
Face à une crise du logement qui devient catastrophe humanitaire, le gouvernement Legault a dû légiférer. Or, la loi édictée pour supposément limiter les effets néfastes de la location à court terme pêche par son incomplétude. Il s’agit d’une coquille vide.
La CAQ s’est assurée d’interdire l’interdiction. Ainsi, il est prohibé pour les municipalités de bannir complètement la location à court terme sur leur territoire. Elles ne peuvent que restreindre les secteurs, et doivent permettre ladite « économie collaborative », soit la location à court terme par les propriétaires-résidents.
Les tours de passe-passe des spéculateurs
Certes, les locateurs à court terme doivent désormais obtenir un permis de la Corporation d’industrie touristique du Québec (CITQ). Ce permis est assujetti à certaines exigences, dont un « certificat de conformité » de la municipalité où se trouve le logement en question. Or, le propriétaire n’a qu’à prouver qu’il réside dans le logement qu’il cherche à louer et ce permis est automatiquement octroyé sans vérification officielle préalable.
Ainsi, le journaliste indépendant Zachary Kamel a déniché, en 2024, environ 1 500 annonces de location à court terme prétendument résidence principale du propriétaire. Il a démontré, par exemple, qu’une entreprise nommée « Nomade MTL » opère un « hôtel boutique » au Vieux Montréal, où au moins 12 des 17 unités étaient disponibles sur Airbnb avec des permis du CITQ octroyées pour la location d’une « résidence principale ». Un autre hôte s’appelant « Art » avait 19 unités à louer sur la plateforme, toutes avec un permis de location de résidence principale.
De plus, Kamel a trouvé que souvent, le numéro de permis divulgué sur l’annonce Airbnb (une des nouvelles exigences de la « réglementation stricte » adoptée par la CAQ) ne correspond même pas à l’adresse réelle de l’unité à louer.
Impunité totale
Des amendes allant jusqu’à 100 000$ sont prévues pour les violations de la nouvelle réglementation. Mais, puisque nous sommes en matière pénale, le fardeau de preuve incombe à la partie demanderesse. La lourdeur d’une telle procédure est telle qu’elle peut durer plusieurs années, particulièrement lorsque l’on s’affronte à des entreprises intermédiaires comme « Posh Realties » (nommée par l’enquête de Kamel) se vantant de profits mensuels de 835 000$ et d’avoirs de 35$ millions. Pour elles, même la possibilité lointaine d’une condamnation de 100 000$ n’a aucun effet dissuasif.
Du reste, ni Québec ni les municipalités n’accordent les ressources nécessaires pour colliger les preuves permettant de débouter ces marchands de sommeil en cour.
Solutions
Le fait est que le Capital doit réinvestir ses profits pour les optimiser. Or, dans le contexte actuel, l’immobilier de luxe et parasitaire semble devenir une des seules avenues restante. La location à court terme accélère cette mise en valeur du capital et sa circulation.
À court terme, il faut serrer la vis à ces formes de spéculation en édictant des lois et règlements sérieuses pour interdire la location touristique à court terme, et par la suite les appliquer avec zèle.
Ensuite, le gouvernement devrait s’engager directement dans la construction de logements sociaux publics à cout abordable (20% des revenus par ménage maximum). Une telle action permettrait aux travailleurs de la construction d’être employés de façon pérenne, puis ferait compétition aux entreprises privées qui seraient forcées de suivre le pas vers des logements réellement abordables. Ce vaste chantier de construction de logements devrait inclure la construction de logements à la vente accessibles aux masses populaires pour enrayer la spirale spéculative actuelle, mais aussi pour alléger la pression sur le marché locatif. Des mécanismes stricts devraient être mis en place pour empêcher l’achat de tels logements à des fins spéculatives. Parmi ceux-ci figure l’imposition à 100% des gains en capital, incluant les bénéfices immobiliers.
Mais le plus important, c’est que la question du logement figure parmi les priorités des institutions de lutte que sont les syndicats et les partis politiques progressistes. Au final, dans un contexte de crise économique, soit on appuie les monopoles en enfonçant les masses populaires au plus bas, soit on s’attaque à leur pouvoir à travers l’emploi et la construction de logements sociaux abordables.