Négo à Postes Canada : L’opposition au STL soude les rangs à Montréal
Négo à Postes Canada : L’opposition au STL soude les rangs à Montréal
Clarté – La ligne rouge
Clarté – Juin 2024
Délais de livraison, augmentation de la charge de travail, horaires décalés, motorisation accrue. Un an après le rejet du grief national, le déploiement de la séparation du tri et de la livraison (STL) s’accélère à Postes Canada. Plusieurs installations à Montréal ont déjà été transformées. Dans certaines installations postales, comme à Saint-Hubert sur la Rive-Sud, une mobilisation de 6 semaines sur le plancher de travail a permis de faire reculer l’employeur sur des horaires. Une petite victoire qui en inspire plusieurs dans la région de Montréal.
Avec la STL, Postes Canada s’inspire du géant américain Amazon. On veut, à terme, détruire la synergie des planchers de travail. Chaque factrice, chaque facteur devient une unité flexible et solitaire qui va être assignée à une ou, à moyen terme, plusieurs routes. C’est le seul gain évident pour l’employeur. Financièrement, il est difficile de voir comment une transformation aussi coûteuse dépassant le milliard, et complexe peut être réellement bénéfique si elle est faite en dépit de l’attractivité du métier. Depuis son implantation, ce sont des centaines de travailleuses et travailleurs des postes qui ont démissionné. Une tendance qui, combinée à un taux de rétention déjà famélique, laisse présager le pire pour le service postal public.
D’autant plus que la STL entraîne non pas une réduction des délais de livraison, mais un délai supplémentaire de 24 heures pour l’ensemble du courrier, documents officiels, passeports, etc. La « séparation » est en fait sur deux jours, une journée de tri et une journée de livraison — un processus qui prend actuellement une journée de travail. On est loin la poste « axée sur le service aux Canadiens » telle que décrite dans le dernier examen de mandat de la société.
L’implantation de la STL dans la région de Montréal amène avec elle des changements d’horaires importants. Plusieurs factrices et facteurs voient leur journée de travail s’étendre en soirée. Cette situation rend la conciliation travail-famille difficile, cette conciliation étant la raison pour laquelle plusieurs ont choisi de travailler comme factrices et facteurs en premier lieu. Le décalage des horaires soulève aussi des enjeux de santé et sécurité. La période la plus chargée étant aussi la période où les journées sont les plus courtes, chaque minute passée à la pénombre est au détriment de la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs. Postes Canada est au courant des autres risques liés à la criminalité, des « zones chaudes » ont été identifiées par la société. Évidemment, les factrices sont bien conscientes qu’elles devront être particulièrement vigilantes dans ces conditions — leur vulnérabilité pouvant mener à une discrimination sexiste par gestion des risques.
Sur le plan écologique, la STL veut aussi dire plus de camions sur les routes, plus de 200 millions $ seront investis uniquement dans l’achat de nouveaux véhicules. Si Postes Canada se targue d’être « carboneutre » sur ses colis depuis quelques mois ce n’est pas parce que l’entreprise a réduit sa flotte et sa motorisation, ou amélioré son efficacité énergétique pour atteindre ce seuil – Poste Canada dépense pour des crédits carbone.
Pour faire face à la détérioration des conditions de travail, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a placé le retrait de la STL au cœur de ses demandes à l’actuelle table de négociation. Pendant que les négociateurs sont à Ottawa, les travailleurs et travailleuses des postes se mobilisent — partout, on assiste à une augmentation progressive des moyens de pression. Une première manifestation d’envergure, de plusieurs centaines de facteurs et factrices, a eu lieu en soirée le 5 juin à Saint-Hubert sur la Rive-Sud. Le bureau de poste a été entouré en solidarité avec celles et ceux qui travaillaient toujours à l’intérieur. Des représentants de la FTQ sur place ont aussi promis la solidarité intersyndicale avec le combat du STTP. Si la mobilisation syndicale est importante, l’Histoire a démontré que la lutte pour les services publics est avant tout une lutte politique. Sans appui politique, le combat repose entièrement sur les épaules des travailleuses et travailleurs — une situation qui ne peut pas amener de gains significatifs. C’est pourquoi il faut inviter toutes celles et ceux qui ont le bien-être du service postal et de ses travailleuses et travailleurs à faire pression sur les élus pour arrêter la STL et étendre le mandat de la société pour lui permettre d’aller chercher des revenus supplémentaires. C’est d’ailleurs le but de la campagne Vers des collectivités durables du STTP — incluant la création d’une banque postale publique en plus de services supplémentaires pour les communautés partout au pays.