Face à la crise, le FRAPRU persiste et signe
Face à la crise, le FRAPRU persiste et signe
Léo Boivin
redaction@journalclarte.ca
Clarté – Juin 2024
L’an passé, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) qui réunit quelques dizaines d’associations de locataires à-travers le Québec se réunissait à l’occasion de son 42e congrès. Nous écrivions alors dans la parution n°52 de Clarté que ce congrès amenait une certaine redéfinition des luttes du FRAPRU face au pouvoir des monopoles du logement et de l’état néolibéral dirigé par la CAQ de François Legault et les Libéraux de Justin Trudeau.
Cette année, à l’occasion de son 43e congrès, la centaine de délégués présents a adopté diverses orientations politiques qui s’inscrivent dans une espèce de continuité. Néanmoins, on y retrouve une orientation mieux définie de « socialisation » du parc de logements locatifs. À long terme, le FRAPRU vise à ce que la location de logements soit retirée du marché privé et assumée par l’État et d’autres formes de propriété socialisée (coops, OSBLs). À plus court terme, il exige des gouvernements qu’en 2039 la part sociale dans ce marché double en passant d’environ 10% à 20%, et ce à-travers des programmes de construction et d’acquisition de logements existants.
L’année précédente, le FRAPRU était saisi d’une proposition de construire des alliances avec les mouvements syndical et démocratiques afin de faire porter cette lutte plus loin et en association avec celles de ces autres groupes. Force est malheureusement de constater que cette idée, qui avait été rejetée en 2023, est complètement disparue du zeitgeist du FRAPRU.
L’importance de la construction d’une alliance large antimonopoliste n’est pas fondée dans la notion du nombre ou de la « solidarité. » Bien que l’union fasse la force, il importe de savoir quel type d’union est le plus efficace pour lutter contre le pouvoir des monopoles. Il n’y a pas si longtemps, le parti communiste italien adoptait des principes organisationnels visant à atomiser les luttes au sein du parti dans l’optique de relier et « solidariser » les mouvements au sein d’un « mouvement des mouvements. » Plus près de chez nous, Québec Solidaire ne cesse de s’essouffler avec ses « collectifs » désunis œuvrant dans différents mouvements, mais apportant leur loyauté à une clique parlementaire toujours plus déconnectée. Ces deux partis ont en commun qu’ils ont priorisé une union fondée dans la force du nombre et la « solidarité » des mouvements, et non dans la force de la classe ouvrière et de son idéologie.
Et maintenant, qu’en est-il de ses partis et de leur potentiel à affronter le Capital? Le PCI est complètement liquidé, et QS est davantage intéressé à former un gouvernement qu’à lutter contre les forces monopolistes que serviraient ce gouvernement. Il ne suffit pas d’être solidaire de toutes les luttes, et il convient alors de chercher un différent type de coalition.
La force de la classe ouvrière se trouve dans son rapport à la production : sans travail, pas de profits. C’est de ce rapport que provient le pouvoir des syndicats et des grèves. Les mouvements démocratiques, bien qu’ils possèdent une certaine influence sur le discours social, ne possèdent pas ce rapport de force s’ils opèrent seuls. Ils ne le possèdent toujours pas même dans une union de nombre, où les luttes sont menées séparément mais avec la « solidarité » des uns ou des autres. L’alliance qu’il nous incombe de construire, c’en est une centrée sur le mouvement syndical, mais dirigée par l’idéologie révolutionnaire de la classe ouvrière. C’est en inscrivant les diverses luttes dans une perspective de classe et syndicale que celles-ci cessent d’être idéalistes et deviennent matérielles : elles cessent d’être ménageables pour le pouvoir des monopoles et deviennent de véritables politiques de rupture. Ceci ne peut se passer sans l’apport du mouvement syndical ni de l’idéologie révolutionnaire.
Que devons-nous entrevoir, alors, pour la suite des luttes du FRAPRU ? Les programmes demandés peuvent être les plus « radicaux, » les plus « à gauche, » etc., mais sans la perspective de classe et l’inféodation des luttes à cette dernière, le FRAPRU et le mouvement du logement en général continuera d’être à l’écart des luttes syndicales.