Shen Yun : l’art au service de la propagande anti-chinoise

Adrien Welsh et Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Clarté #49 – Janvier 2023

Depuis un mois ou deux, Montréal et Québec sont assiégées d’annonces – sur les autobus et les arrêts, les panneaux publicitaires, dans les journaux, partout! – nous invitant au spectacles de Shen Yun, avec comme sous-titre “La Chine avant le communisme”. C’est à se demander quel est le message derrière ce spectacle qui se veut évidemment politique.

Le spectacle de Shen Yun est en tournée presque continuelle, disposant maintenant de 3 troupes pouvant produire le programme. Une chroniqueuse du New Yorker en 2019 décrit une scène du spectacle illustrant “une vague de tsunami avec le visage de Karl Marx (détruisant une ville)” alors que d’autres journalistes parlent du contenu anti-homosexuel, anti-évolution mais d’abord et avant tout anti-communiste. Ceci ne figure pas dans la promotion du spectacle qui le présente comme un simple spectacle de danse traditionnelle.

La première chose à savoir est que le spectacle est organisé par les groupes Falun Dafa, le groupe de danse Shen Yun étant l’un de leur deux principaux outils de propagande, l’autre étant le journal Epoch Times. Le Falun Dafa, ou Falun Gong, est une secte religieuse qui mélange la méditation avec une idéologie ultra-conservatrice, tout en utilisant le gros de son énergie pour attaquer la République Populaire de Chine et son Parti communiste.

Prenons un moment pour s’attarder à la question de “La Chine avant le communisme”, la phrase qui se retrouve sur toutes les pubs. Qu’était la Chine avant la révolution de 1949? Une espérance de vie moyenne de 35 ans (maintenant 77 ans). Un des plus bas PIB du monde. Une population 80% analphabète. 20% d’enfants scolarisés. En bref: une catastrophe coloniale que les Chinois appellent “le siècle d’humiliation”.

Maintenant, la situation est des plus différentes et le Canada est rentré à fond dans une propagande de guerre contre la Chine qui se rapproche d’une Guerre froide. Que ce soit l’épisode Meng Wanzhou, les navires de guerre canadiens qui entrent dans la mer de Chine, Radio-Canada qui s’installe à Taiwan, le climat de méfiance qui s’installe contre les scientifiques et chercheur-euses chinoises dans nos institutions, tout se range comme en temps de guerre pour cibler l’ennemi. C’est dans ce contexte qu’il faut appréhender la tenue du spectacle du Falun Dafa au Québec.

Il est inacceptable de pervertir la culture chinoise comme québécoise voire universelle afin d’offrir une tribune aussi large permettant à un groupe extrémiste et conservateur de se présenter comme simple organisation culturelle. Pendant ce temps, on nous fait croire que quiconque brise le consensus anti-chinois actuel est possédé par l’esprit de Pékin…

Ce camouflage de propagande sous couvert de spectacle de danse est des plus pervers puisqu’il abuse de la naïveté du public québécois qui, malheureusement incapable de se rendre en Chine et constater de lui-même les avancées sociales et économiques accomplies par la République populaire, ne peut se référer qu’aux sources de seconde main.

Pendant ce temps, le racisme anti-chinois atteint des sommets et on se sert de ce “péril jaune” pour justifier des dépenses militaires visant à encercler la Chine inégalées, le tout alors que nos services publics souffrent de sous-financement et qu’on nous fait croire qu’il n’y a rien à faire pour contrôler les prix ou qu’il manque d’argent pour augmenter les salaires…