Mexique : l’apprentie d’AMLO dépasse le maitre…
Mexique : l’apprentie d’AMLO dépasse le maitre…
Adrien Welsh
Clarté – Juin 2024
Le 2 juin dernier, le processus électoral mexicain se concluait avec une victoire sans équivoque de Claudia Sheinbaum qui rafle près de 60% des suffrages (soit un score encore plus élevé que son mentor AMLO six ans plus tôt) et ce, dans un contexte de forte mobilisation.
Si la violence politique est, au Mexique, monnaie courante, cette campagne a été marquée par un accès particulièrement meurtrier avec l’assassinat de 37 candidats.
Aussitôt élue, Sheinbaum a été applaudie par la social-démocratie, y compris par certains acteurs anti-impérialistes de renom dont le Président cubain qui espère que les liens tissés entre les deux pays lors de l’administration précédente continueront de se développer. D’autres ont salué l’élection d’une femme à la tête d’un pays qui compte parmi le plus haut taux de féminicides.
Cependant, il ne faut pas sous-estimer non plus le fait que les banques et les monopoles ne se sont pas privés non plus de saluer l’élection de Sheinbaum. Et pour cause : les politiques économiques d’AMLO, qu’elle entend poursuivre, leur ont été bénéfiques au point que leurs profits ont doublé au cours des dernières années!
En effet, malgré son discours contre le « néolibéralisme », il convient de rappeler que MORENA et son ancien chef ont signé l’AÉUMC dans le but de mieux intégrer le Mexique à l’impérialisme nord-américain, tandis qu’aucune privatisation imposée dans les années 1990 n’a été renversée et que les minières (notamment canadiennes) continuent de faire la loi, voire assassiner avec l’aide des groupes narcotrafiquants qui continuent d’écumer les rues et les campagnes du Mexique. Sur le plan social, la dévalorisation de l’emploi demeure le maitre mot des politiques économiques tandis que l’intensification de la militarisation de la Garde nationale rend caduc le projet de mur au coeur du populisme de Trump.
Au cours des dernières années, il est vrai, le Mexique a connu une croissance économique remarquable surpassant des pays comme la Corée du Sud, l’Australie ou l’Espagne. Cependant, celle-ci est basée sur la multiplication des maquiladoras et sur l’exploitation massive de travailleurs venus de pays dévastés d’Amérique centrale payés au lance-pierre. Certains projets structurants ont certes été réalisés, mais toujours dans les intérêts stricts des monopoles mexicains et étrangers. L’un des plus iconiques demeure le « Train maya » qui, construit par un consortium de compagnies multinationales, cherche surtout à réaménager le territoire du Yucatan en déplaçant les petits paysans, stimulant le tourisme de masse et, de ce fait, la spéculation immobilière.
En somme, le plan de développement de MORENA n’a rien d’anti-impérialiste ni d’anti-monopoliste. Il cherche au contraire à positionner le Mexique comme pays-atelier alternatif à la Chine dans un contexte où l’impérialisme nord-américain cherche à s’en éloigner. À cet égard, on peut dresser certains parallèles entre une section de la classe dirigeante québécoise et son pendant mexicain qui cherchent, d’une part comme de l’autre, à pervertir la noble lutte pour la souveraineté nationale pour prétendre à une meilleure intégration à l’impérialisme nord-américain.
Ceci étant, les communistes mexicains refusent l’idée du moindre mal. Avec pratiquement 234 000 votes en faveur de leur plateforme électorale « pragmatique et classiste », ils s’assument comme véritable force de changement contre l’autoritarisme de MORENA et le pouvoir des monopoles.