Alban Liechti n’est plus
Alban Liechti n’est plus
Adrien Welsh
Clarté – Septembre 2024
Il s’est éteint jeudi dernier à l’âge de 89 ans, ses obsèques ont lieu aujourd’hui, mercredi 4 septembre. Il s’appelait Alban Liechti et appartenait fièrement au Parti communiste français.
En 1956, alors qu’il est appelé sous les drapeaux, sa compagnie est envoyée en Algérie livrer une guerre de rapine coloniale aussi sanglante que prédatrice. Il est le premier à avoir dit : « non », faisant de lui le premier « soldat du refus ».
Au Président du Conseil René Coty, il écrit : « La guerre que font nos gouvernants au peuple algérien n’est pas une guerre défensive. Dans cette guerre, ce sont les Algériens qui défendent leurs femmes, leurs familles, la paix et la justice. C’est l’amitié entre Français et Algériens que je veux défendre ». En 2021, il se rappelle que ses propos contre la guerre d’Algérie résonnaient auprès des « gars », mais pas des gradés qui l’abhorraient.
Pour son refus de tirer sur le peuple algérien, il écope de quatre ans de prison qu’il purgera aux prisons de Tizi Ouzou, puis d’Alger. Aussitôt, le Secours populaire français se saisit de son cas et organise une campagne internationale. Le Jeunesse communiste française emboite le pas et donne comme directive de refuser toute affectation en Algérie, posant publiquement la question du refus à cette sale guerre.
Déchargé de ses obligations militaires dans la foulée des Accords d’Évian (1962), ce n’est qu’en 1966 qu’il recouvre ses droits politiques. Il élit domicile à Trappes, dans les Yvelines, et y travaille comme jardinier. À son décès, le Président de la République algérienne démocratique et populaire lui témoigne de sa reconnaissance, mais pas Emmanuel Macron…
Aujourd’hui, alors que la droite extrême, tout comme une partie de la gauche, injecte le fiel de l’identitarisme (notamment à travers la question de settler-colonialism qui n’est que l’envers de la médaille du nationalisme ethnique et étroit), l’exemple de Liechti doit être érigé en exemple.
Missak Manouchian, criant « La France en s’abattant » n’hésitait pas écrire « je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand ». Raymonde Dien, sténodactylo française s’est couchée sur les rail à Saint-Pierre-des-Corps pour s’assurer que le train chargé d’armes destinées aux troupes françaises en Indochine ne passe pas. Maurice Audin, communiste Algérien d’origine européenne, est tombé lors de la Bataille d’Alger. Son camarade, Henri Alleg, était supplicié au même moment par les parachutistes français. En 1960, la CGT appelle à une grève générale en faveur du droit à l’autodétermination de la nation algérienne qui paralyse littéralement la France; elle est même suivie par les ouvriers européens conscients d’Algérie…
Tous ces patriotes avaient compris l’adage de Jaurès : « un peu d’internationalisme éloigne de la Patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène ». Et pour cause : ils étaient communistes et étaient mus par l’internationalisme prolétarien, fondement même de la fraternité. Pour eux, rien n’était plus précieux que l’unité de la classe ouvrière mondiale qui a plus en commun entre elle qu’elle ne partage avec « sa propre » bourgeoisie. L’Histoire leur a donné raison. À nous de poursuivre ce combat.
Alban Liechti : « Présents! Pour toujours et maintenant! »