Léa Roback et Madeleine Parent auraient honte d’être honorées par Postes Canada!
Léa Roback et Madeleine Parent auraient honte d’être honorées par Postes Canada!
Adrien Welsh et Greg Beaune
redaction@journalclarte.ca
Clarté #53 – Septembre 2023
Hier, le lundi 28 aout, Postes Canada dévoilait sa série de timbres frappés à l’effigie de Léa Roback, Madeleine Parent et Simone Monet-Chartrand. Intitulée Hommage à trois féministes québécoises, cette série travestit le combat de ces trois femmes qui, avant que d’être « féministes », terme rendu à la mode parce qu’inoffensif depuis qu’il est allègrement récupéré par la classe dirigeante, étaient syndicalistes. Et pour les deux premières, cet engagement dans le mouvement ouvrier répondait de leur obédience communiste. Mais ça, évidemment, Postes Canada n’en dit pas mot…
C’est normal compte-tenu de l’anamnèse anti-syndicale de cette entreprise de la couronne! En effet, qu’auraient-elles dit en 2018 lorsqu’une loi spéciale a forcé un retour au travail et la signature d’une convention collective imposée aux salariés de Postes Canada? Parions qu’elles auraient remué ciel et terre pour mobiliser et organiser contre cette injustice.
Même sur la question du droit des femmes, il est difficile d’y voir autre chose que du cabotinage lorsque l’on sait que Jean-Claude Parrot, Président du STTP, a été emprisonné pour permettre aux travailleuses de l’entreprise d’accéder à un congé de maternité, un droit qui fera tache d’huile pour l’ensemble des salariées soumises au régime de travail fédéral. Même aujourd’hui, l’équité salariale est loin d’être acquise à Postes Canada comme en témoignent les conditions de travail toujours déficitaires chez les facteurs ruraux dont la majorité sont des femmes…
S’il est un aspect positif de cette manœuvre, c’est d’espérer que les figures de Léa Roback, Madeleine Parent et Simone Monet-Chartrand sauront inspirer les travailleur-euses de Postes Canada lorsque viendra le temps de renégocier leur convention collective censée échoir au printemps prochain…
C’est pourquoi, mais aussi pour rétablir justice, nous reproduisons ci-dessous un portrait biographique de Roback et de Parent, deux femmes, deux communistes avant tout, dont la vie se confond avec les luttes de la classe ouvrière québécoise et canadienne. Ces textes sont signés de Greg Beaune et ont été rédigés à l’occasion de la célébration du Centenaire du Parti communiste du Canada à Montréal en mai 2021.
Léa Roback était une membre du Parti Communiste ici à Montréal, où elle travaillait en tant que caissière dans un théâtre. Elle prit connaissance des difficultés auxquelles étaient confrontées les femmes issues des couches populaires dans ces années de crise économique. Peu de moyens de se nourrir et de se loger, tel était le lot des femmes ouvrières sans éducation dans les années 1920. Elle se radicalisa dans son engagement pour le communisme à la suite d’un voyage en Allemagne entre les années 1929 et 1932, où elle lutta avec les membres du Parti communiste allemand contre la montée en puissance du nazisme. Elle dut retourner au Canada en 1932, la situation étant devenue trop dangereuse pour une femme juive et communiste en Allemagne. De retour a Montréal, elle fonda la première librairie marxiste de la ville, et lutta au sein du mouvement féministe pour la reconnaissance du droit de vote pour les femmes ainsi que contra la pauvreté. En 1937, elle participa à l’organisation de la grève des « midinettes » qui rassemble plus de 5000 ouvrières textiles dont le catalyseur est l’adoption de la Loi du Cadenas par le gouvernement Duplessis. Elle fut organisatrice de la campagne électorale qui porta Fred Rose au Parlement à Ottawa à deux reprises. Elle fut particulièrement ciblée pendant la grande noirceur de Duplessis, à la fois par la police et par le mouvement fasciste, dû à son engagement politique et à ses origines juives. Toute sa vie Roback fut une camarade profondément dédiée aux luttes contre le racisme, l’exclusion, et l’injustice. |
Madeleine Parent est une figure centrale du mouvement syndical et du mouvement Feministe au Québec. En 1942, âgée d’à peine 24 ans, elle dirige d’importantes grèves dans le secteur du textile dans les quartiers de Saint-Henri et d’Hochelaga, une industrie qui, comme nous l’avons vu plus tôt lorsque nous parlions de Buller, était principalement composée de travailleuse féminines sous-payées. Cette même année elle rencontre Kent Rowley, qui devient non seulement son mari mais son camarade dans la lutte. En 1946, elle dirige une nouvelle grève contre l’entreprise de textile Dominion, qui s’obstine à ne pas reconnaître le syndicat. Celle-ci dure 100 jours, et est brisée par Duplessis, ce dernier désignant la grève comme illégale. Parent est promptement arrêtée ainsi que d’autres leaders syndicaux, mais les travailleuses en luttes obtiennent tout de même gain de cause: la grève est victorieuse. En 1947, à nouveau, Parent joue un rôle central dans une grève des travailleurs de la laine, et est à nouveau arrêtée. Elle doit quitter le Québec du fait de la répression intense de Duplessis et s’installe en Ontario. Elle est expulsée du syndicat UTWA pour des raisons anticommunistes. Elle joue un rôle aussi dans la création du Comité d’Action Nationale pour le Statut des Femmes à Ottawa, et lutte pour l’égalité de droit et salariale, en particulier pour les femmes autochtones. De retour au Québec en 1978, elle continue son engagement syndical et feministe, jouant un rôle dans la Fédération des Femmes du Québec, mais aussi participant à de nombreuses grèves, y compris après sa retraite, mais aussi aux luttes contre la guerre et l’impérialisme, s’opposant farouchement aux deux guerres en Irak et à l’invasion de l’Afghanistan. |