Sacrifier les milieux naturels au nom de la crise du logement : une illusion combattue à Rimouski
Sacrifier les milieux naturels au nom de la crise du logement : une illusion combattue à Rimouski
Alex Courtois
redaction@journalclarte.ca
Clarté – Août 2023
À Rimouski, tout comme dans de nombreux endroits au Québec, la crise du logement fait rage, et ce, malgré l’indifférence totale des gouvernements bourgeois canadiens et québécois. Le taux d’inoccupation y a été déterminé à 0.4 %. Celui-ci était de 0.2 % l’an dernier. De nombreuses organisations ont exprimé tous les problèmes qu’engendre cette situation. Le Comité Logement du Bas-Saint-Laurent (BSL) dénonce, entre autres, l’explosion du coût des loyers, qui est bien au-delà du taux légal d’augmentation, et la recrudescence sans précédent des signalements de logements insalubres. Comme le Comité le rappelle :« la crise du logement ce n’est pas juste un taux d’inoccupation, c’est aussi la diminution de l’abordabilité et la dégradation du parc locatif déjà existant.
Pour faire face à cette situation critique, la Ville de Rimouski a rédigé le Plan de lutte contre la pénurie de logements. Cependant, le maire Guy Caron, en bon agent de la bourgeoisie, est allé présenter ce document en premier lieu dans un chic souper organisé par la chambre de commerce de Rimouski !
Les mesures prévues se résument comme suit : Crédits de taxes foncières, assouplissements aux règles de zonage et élaboration d’une politique d’habitation. Pour la mairie, il est fort important de prendre soin de la bourse des « pauvres promoteurs immobiliers » pour que ceux-ci daignent venir faire des profits en construisant à leur bon plaisir sur notre territoire sans véritablement prendre en compte les vrais besoins de la population.
Le projet phare du fameux Plan est un « milieu de vie » érigé sur une tourbière humide dans le quartier limitrophe de Pointe-au-Père, éloigné du centre-ville. Grâce aux interventions courageuses du Comité logement du BSL au conseil de ville, nous savons que les estimations avancées par la Ville pour ce nouveau développement sont de la poudre aux yeux et qu’elles sont basées sur du vent. Dans ses beaux discours, le maire parlait de 800 unités mixtes avec des maisons unifamiliales et du logement « abordable ». Cependant, pour le moment, en dehors de l’assurance qu’il n’y aura pas de logements sociaux, aucune certitude ne subsiste quant au nombre exact d’unités ni sur leur type.
En plus de cela, il est très important de discuter de la qualité du milieu naturel qu’il est prévu de détruire. Couramment désignée sous le nom de la tourbière de Pointe-au-Père par les résidents, cet endroit possède une valeur exceptionnelle à la fois du point de vue environnemental que pour les citoyens.
Mikaël Jaffré, directeur général chez Horizon-Nature BSL et enseignant en conservation à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), décrit la zone ciblée pour les travaux de la manière suivante : il s’agit d’une tourbière humide. Cette zone exerce une fonction de filtration de l’eau cinq fois plus efficacement que ne le ferait une infrastructure humaine, en plus de contribuer à la purification de l’air et à la capture du CO2, un gaz à effet de serre. Les experts du GIEC, qui ont réalisé le rapport sur les changements climatiques, soulignent que la conservation des milieux naturels constitue la méthode la plus économique pour atténuer les impacts des changements climatiques. Il s’agit aussi d’un habitat de choix pour une faune variée et certaines espèces menacées (le hibou des marais en autre).
Les habitants utilisent d’ailleurs cet endroit pour faire de la randonnée pédestre, du ski de fond, de la marche en raquette, de la cueillette de fruits sauvages et bien plus encore. Il s’agit d’un lieu commun pour profiter des bienfaits de la nature.
Un groupe de citoyen(ne)s inquièt (e) s ont créé une mobilisation pour sauvegarder la forêt. La Ville a organisé plusieurs séries de consultations publiques, une étape requise par la loi, car la Ville doit modifier le zonage et déroger aux règlements pour réaliser son projet. Même si l’avis des citoyens était à 78 % en désaccord, la Ville a répliqué que la question n’était pas « si » le projet allait aller de l’avant, mais plutôt une question de « quand » les travaux vont commencer. Encore une fois le mirage de la démocratie bourgeoise qui crée l’illusion de « consultation » et de « consentement citoyen » quand tout est déjà ficelé à l’avance.
Face aux questions posées au conseil municipal et aux preuves présentées en faveur de la préservation de la tourbière, la réponse a été arrogante : « Alors c’est soit des arbres ou des logements » comme si c’était la seule solution. Rimouski est reconnu pour ses bâtiments laissés à l’abandon tels que l’ancienne école d’agriculture, la vieille caserne… et bien d’autres. D’ailleurs, le maire actuel avait promis de densifier le centre-ville, une option logique et corroborée par les regroupements d’urbanistes. Cependant, nous sommes bien loin de la réalité actuelle, qui consiste à détruire un milieu naturel à l’autre bout de la ville avec les services éloignés et qui nécessitent donc la voiture pour les utiliser. Cette partie de Rimouski n’est d’ailleurs pas desservie par le service d’autobus de la Ville.
Voici donc encore un autre exemple qui illustre à quel point le capitalisme est inefficace pour répondre aux besoins de gens en matière de logement. Dans ce système, une forêt n’est rien de plus que des arbres à couper et un lot vacant pour la construction. Le bien commun doit toujours être relégué derrière l’enrichissement personnel d’une infime minorité exploitante.