Sur le conflit de travail à Postes Canada
Sur le conflit de travail à Postes Canada
J. P. Fortin
Clarté – Novembre 2024
Pourquoi un conflit de travail entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP)?
Les travailleuses et travailleurs ont vu l’extension de la dernière entente non négociée avec Postes Canada prendre fin en janvier 2024. On se souvient que la dernière tentative de négocier avec la société de la Couronne en 2018 avait échoué et que les grévistes avaient été forcés de retourner au travail. Le gouvernement Trudeau, sous la pression des grands monopoles comme Ebay et Amazon, et appuyé par les conservateurs, a criminalisé la grève en adoptant la Loi sur la reprise et le maintien des services postaux en novembre 2018. Cette situation avait favorisé l’employeur qui n’avait pas eu à s’asseoir à la table de négociation avec le syndicat.
La dernière « entente » entre Postes Canada et l’État était donc le résultat d’un arbitrage judiciaire. La juge MacPherson avait décidé de nouvelles conditions de travail en juin 2020 et ses modifications ont été appliquées au document qui a servi de convention collective depuis. En juin 2021, en pleine pandémie, le STTP a décidé de renouveler cette « entente » jusqu’en 2024 avec un vote de 66% en faveur.
Pourquoi l’enjeu de la séparation tri-livraison (STL) est si important?
L’une des demandes principales du syndicat est l’élimination de la STL; une nouvelle méthode de travail qui augmente le temps de livraison et, dans plusieurs cas, repousse les heures de travail jusqu’en soirée. Au-delà des enjeux de sécurité et des couts importants entrainés par cette transition, l’implantation de cette méthode entraine l’isolement des travailleurs et travailleuses et laisse la porte ouverte à la « flexibilisation » complète des horaires et des tâches, vers des reculs massifs des conditions de travail.
À quoi s’attendre pour le conflit de 2024?
Avec un vote de soutien à la grève de 95 % pour l’unité urbaine et rurale, il est clair que les militants du STTP sont prêts à l’action. Toutefois, la question demeure à savoir si les planchers sont suffisamment mobilisés pour affronter les attaques combinées du gouvernement et des grands monopoles. Dans la situation actuelle, avec l’échec des griefs nationaux, la seule façon d’arrêter la STL serait une mobilisation massive.
Contrairement au contexte politique de 2018, le gouvernement Trudeau, au fond du baril, ne risquera probablement pas une loi spéciale. Toutefois, le récent conflit au CN et au CPKC Rail a montré que le gouvernement dispose de plusieurs outils pour criminaliser le droit de grève au mépris total des travailleuses et travailleurs. Un scénario similaire impliquerait un Lock-out de Postes Canada.
Devant la dernière offre salariale dérisoire de Postes Canada (10 % sur 4 ans, quand on sait que l’inflation en général au Canada a atteint 8 % seulement en 2022), et du retard accumulé depuis les années Harper, il ne faut pas être surpris de la colère sur les planchers de travail. Il reste à savoir comment cette colère sera canalisée et si elle parviendra à s’accorder au sentiment d’exaspération généralisé contre la hausse des prix. Dans tous les cas, la lutte des travailleurs et travailleuses des postes est tributaire de la solidarité et de la lutte plus large pour l’expansion des services publics et contre les monopoles canadiens et étrangers – celle-ci décidera non seulement de l’avenir du service postal mais également des conditions de l’ensemble des travailleuses et travailleurs.