Des gains actuels, bâtissons les luttes à venir
Des gains actuels, bâtissons les luttes à venir
Stéphane Doucet
Clarté – Novembre 2024
Lors du dernier numéro de Clarté, nous dénoncions les lock-outs cette année au Québec: Port de Québec, Vidéotron, mais aussi les moins connus chez Prelco ou McKesson et au Zoo de Granby. Si on élargit notre champ d’analyse, on peut regarder l’étendue de l’action syndicale et ouvrière et dresser un bilan plus global sur l’évolution de la lutte de la classe ouvrière.
Le début de l’année en cours a été marqué par les ententes entre le gouvernement et la majorité des travailleurs et travailleuses du secteur public. Le Parti communiste du Québec déclarait alors “[qu’au-delà] de l’acceptation ou du rejet de cette offre, le plus important reste la dynamique de lutte. Ainsi, nous refusons à la fois une position cavalière de refus comme nous rejetons une position d’appui tous azimuts.” Cet axiome semble traduire l’état d’esprit de la classe ouvrière organisée en général.
Dans les entreprises, nous avons vu des luttes menant à d’importantes augmentations. Par exemple, chez Autobus Idéal (transport scolaire), on parle d’augmentations jusqu’à 58%. Chez Arcelormittal à Montréal, des métallos ont obtenu des augmentations allant de 37% à 61% sur 6 ans; chez Airbus à Mirabel, les AIMTA ont obtenu 23% sur 5 ans; à Crabtree, chez Kruger les travailleurs CSN ont gagné entre 26% et 30% sur 3 ans; à Bécancour, les travailleurs Unifor de Canadoil Forge ont fait grève durant 9 semaines pour obtenir 18% sur 4 ans; même chose à Viterra à Bécancour: 18% sur 4 ans après presque 4 mois de grève.
Ce qui se trame, c’est que les employeurs cherchent à faire payer les travailleurs et les salariés pour une crise dont ils ne sont pas responsables. Le contexte inflationniste des dernières années a certes induit ce qui pourrait sembler être des hausses de salaire considérables. Pourtant, nous sommes loin ne serait-ce que d’un rattrapage salarial… Quant à la revalorisation générale des salaires et d’un enrichissement de la classe ouvrière, n’en parlons pas!
Il n’en demeure pas moins que le patronat s’est rapidement affairé à la besogne pour contrer ces demandes en usant de sa contrepartie au droit de grève, le lock out. Il s’est également appuyé sur des subterfuges économiques comme la hausse des taux d’intérêt pour la forcer à payer le fort prix pour son recours au crédit, mais aussi pour forcer la mise à pied de milliers de travailleurs et la faillite de petites entreprises.
C’est que, plus la classe ouvrière prend conscience de ses intérêts et les défend, le patronat fait de même. La force et la détermination d’une classe n’est pas statique, mais évolue selon les circonstances, surtout en réponse à l’ennemi qui se dresse devant elle. La hausse des prix a provoqué une prise de conscience presque instinctive de la classe ouvrière, et s’est manifestée par une volonté d’aller rattraper ce qu’elle a perdu lors des négociations de conventions qui arrivaient à terme. Le patronat a pris un moment pour en prendre acte mais a compris ses propres intérêts et sa capacité à l’imposer.
Aujourd’hui, nous sommes sur le point d’assister à plusieurs batailles importantes: les travailleurs et travailleuses des Postes votent pour la grève, le Port de Montréal fait face à son employeur et au gouvernement pour faire valoir son droit de grève, le réseau de l’éducation de la petite enfance du Québec est sur le point de déclencher des grèves, ça se corse à la SAQ…
Ce qu’il faut sans cesse marteler c’est que la classe ouvrière n’a d’autre pouvoir que son organisation (Lénine) et que c’est par le travail sur les planchers de la part de syndicalistes sérieux-euses que se fera le travail qui bâtira un rapport de forces plus étendu, plus résilient, qui fera avancer les intérêts immédiats et fondamentaux de la classe. Il faut saisir l’occasion de cette prise de conscience collective qu’on a vu émerger durant ces dures années inflationnistes, et bâtir le rapport de force sur le plancher, l’apporter aux tables de négociation, le faire valoir à tous les jours avec l’application des conventions, dynamiser leurs syndicats sur le long terme pour faire avancer la lutte!