Perspectives du mouvement syndical en Santé
Perspectives du mouvement syndical en Santé
Léo Boivin
redaction@journalclarte.ca
Clarté #53 – Septembre 2023
Alors que l’organisation du Front commun se met en branle et que des actions sont prévues à travers le Québec en vue des négociations qui concerneront près de 500 000 travailleuses et travailleurs de l’État, la Fédération interprofessionnelle en santé du Québec (FIQ) se prépare également à user de moyens de pression contre le gouvernement Legault dans le cadre de la négociation de sa convention collective.
La négociation assistée par médiation a échoué au cours du mois d’août à cause de l’intransigeance du Conseil du Trésor face aux demandes justifiées du syndicat représentant 80 000 infirmières, infirmières auxiliaires, percussionnistes cliniques et inhalothérapeutes à travers le Québec.
Après une pandémie qui a lourdement affecté le réseau de santé du Québec en touchant d’abord et avant tout le personnel soignant, une nouvelle réforme cataclysmique du système de santé se pointant le bout du nez (PL15), ainsi que la menace toujours grandissante de la privatisation du réseau, le personnel syndiqué par la FIQ exige à ce que la conciliation vie personnelle/professionnelle soit améliorée, à ce que la charge de travail soit réduite, et à ce que le recours au temps supplémentaire soit mieux encadré, en plus de revendications salariales.
La menace de la privatisation du réseau n’est plus fictive. Avec la création de mini-hôpitaux privés subventionnés par la RAMQ, l’atomisation du réseau sous le couvert de CIUSSS indépendants et de GMFs opérant à la manière de cliniques privées, et la clientélisation de la patientèle, tout est mis en place pour un transfert massif d’argent, capital, et ressources du public vers le privé. Le dépôt et l’adoption presque inévitable du PL15 est la clé de voûte de ce grand projet du Capital. La privatisation du système de santé est un grave danger, où notre salaire collectivisé — l’impôt — sera (et est déjà) directement siphonné par le Capital pour des soins autrefois prodigués par l’État.
Ce qui se cache derrière les salaires réels en baisse, les conditions de travail en érosion, et l’épuisement généralisé du personnel, c’est la volonté du Capital de se créer un nouveau marché : le marché de la santé. Avec les ministres qui se succèdent et ce peu importe le gouvernement (Dubé pour la CAQ, Barette pour le PLQ, et Legault pour le PQ [!]), c’est du pareil au même : la destruction graduelle du réseau public de santé. Les divers partis qui se succèdent ne font que compétitionner pour courtiser différentes cliques de la bourgeoisie. Celle québécoise pour la CAQ et le PQ, et celle canadienne pour le PLQ. Tous les sparages en sus (nationalisme, fédéralisme, souverainisme, etc.) ne sont qu’artifice.
Québec Solidaire n’a pas encore eu l’opportunité de montrer ses vraies couleurs, mais la dérive vers la droite de ce parti anciennement revendicateur démontre plutôt son intérêt de diriger le capitalisme monopoliste d’état plutôt que de l’affronter. Ses engagements-clés en matière de santé (revaloriser les CLSC, partager les actes réservés des médecins avec d’autres professions, et renforcer le 811) n’ont rien à voir avec une restructuration du réseau et encore moins avec un affrontement contre la privatisation et le monopolisme.
Ce qu’il faut à la classe ouvrière, c’est donc une ligne politique indépendante des partis bourgeois. Le mouvement syndical n’a rien à gagner de lessiver et recracher la politique bourgeoise. Une lutte syndicale forte doit s’accompagner d’une lutte politique forte et consciemment dirigée pour l’accomplissement d’un changement social, politique et économique profond et fondamental.