Rapport accablant sur le logement dans la grande région de Saint-Hyacinthe
Rapport accablant sur le logement dans la grande région de Saint-Hyacinthe
Maxime Bérubé
redaction@journalclarte.ca
Clarté #53 – Septembre 2023
Commandé par la MRC des Maskoutains et déposé au mois de juin, le rapport sur la situation du logement dans la région peint un portrait de la crise qui donne froid au dos. « La crise du logement a maintenant plusieurs visages et l’un de ses principaux traits est constitué des ménages ayant un revenu de 50 000 $ et moins qui peinent à se trouver un logement abordable. Ainsi à Saint-Hyacinthe, plusieurs nouveaux bâtiments ont été construits ou les promoteurs ont requalifié des immeubles, mais ces loyers sont très coûteux. Ces logements répondent aux besoins des revenus les plus élevés de la population et à des clientèles cibles comme les personnes retraitées ou préretraitées. Le marché locatif qui se développe présentement est donc inabordable pour les catégories de population qui gagne 50 000 $ et moins. À 1000 $ et plus par mois, cette catégorie de logement est hors de prix pour les travailleurs qui ont les revenus mentionnés précédemment et c’est encore plus ardu lorsqu’ils ont des enfants. », peut-on lire au début du document. À cela s’ajoute que Saint-Hyacinthe, où habite les deux tiers de la population de la MRC, a perdu plus de logements abordables ces dernières années qu’il s’en est construits. De plus, selon les récentes données (2021) de statistiques Canada, 23,8 % des ménages locataires de Saint-Hyacinthe consacrent 30 % et plus de leur revenu aux frais de logement, soit presque un ménage sur quatre. L’influence des promoteurs sur le mode d’urbanisme est donc fortement questionnée par plusieurs de nos répondants », poursuit le rapport. Non mentionnés ici sont les ménages beaucoup plus pauvres qui doivent parfois débourser jusqu’à 50 %, voire 75 % de leurs revenues sur le loyer seulement, selon deux articles du Journal Mobile.
C’est assez clair, le besoin de logements abordables à Saint-Hyacinthe et les alentours ruraux est criant. Ainsi, avec une telle demande il serait logique qu’une offre du marché y réponde, considérant que la majorité des gens qui habitent le territoire gagne en moyenne 32 763 $ l’année. Et pourtant, les condos et appartements de luxes continuent de pousser comme de la mauvaise herbe dans le centre-ville, la domination incontestée de quelques promoteurs comme le groupe Robin ou Sélection raflant des pans entiers de quartier, détruit les loyers abordables. Les autres propriétaires eux utilisent l’apparition de ces logements de luxe pour bonifier leur marge de profit en haussant aussi les loyers. Les conséquences de la politique dites de « mixité sociale » de la ville, un bel euphémisme pour la gentrification, se font sentir comme une chaîne de dominos en chute libre. Les loyers étant inaccessibles aux travailleurs ou étant évincés par des rénovictions, ceux-ci déménagent dans des logements insalubre ou insuffisant à leur besoin. D’autre vont même déménager hors de la région, principalement les ménages à petits et moyens revenus, car ils ne peuvent s’inscrire sur les listes d’attentes pour des HLM, qui sont déjà pleines a craquées. Dans l’autre sens, peu de gens hors région emménagent, pour les mêmes raisons. Ceci nourrit le manque de main-d’œuvre, poussant les entreprises agricoles, les usines et les services à aller chercher dans l’immigration et les travailleurs temporaires. Sauf que, évidemment, il n’y a pas de logement pour ces travailleurs, aggravant le problème et créant des situations ridicules telles que la ville qui quémande des loyers aux propriétaires, des entreprises qui achètent des immeubles pour loger leurs employés et même des entreprises qui paient les frais de bus pour faire venir des travailleurs qui vivent à Longueuil. De plus, Saint-Hyacinthe est une terre d’accueil pour les réfugiés qui eux aussi doivent se battre pour la maigre part de logis disponible, devant parfois s’entasser à plusieurs familles dans un même endroit. Faute d’historique de crédit, plusieurs ne peuvent passer les enquêtes demandées par les promoteurs ou payer les 3 mois de loyer d’avance demandés. Ce dernier problème affecte aussi les jeunes qui sont frappés durement par la réaction en chaîne, ceux en difficultés passant maintenant plus de temps dans des maisons d’accueils et hors des écoles, les autres n’ayant simplement pas les moyens ou le crédit. Idem pour les femmes, le groupe le plus touché par la situation, particulièrement les femmes victimes de violences conjugales dont la durée de séjour en maison pour femmes se prolonge de plus en plus. Elles et leurs enfants, si elles en ont, sont prêtes à partir en logement, mais restent coincées. Sans compter que les propriétaires ont le pouvoir de refus pour n’importe quoi, la quête pour un chez-soi devient encore plus difficile. Avez-vous des enfants ? Victime de violence ? Peut-être êtes-vous sur l’aide sociale ? Immigrées ? C’est non, pas d’appartement pour vous ! Bref, la pression sur les différents services communautaires à la population se retrouve à devoir refuser des gens et épuiser les maigres ressources disponibles. Les villages ruraux autour de la ville-centre se retrouvent quant à eux saignés par le manque de développement. Les nouvelles constructions étant plus souvent des maisons plutôt que des immeubles multilogements et ces maisons souvent louées comme des AirBnB, font en sorte que des institutions telles les écoles primaires de village pensent fermer leurs portes, manque de personnel oblige.
Donc, que faire de tout ceci ? D’abord, il faut dire la chose suivante : l’habitation est un droit humain, un bien public. C’est une nécessité absolue, comme la nourriture et autres biens essentiels qui mériterait un article à eux seuls. Un manque à ce besoin ne résulte pas seulement à de mauvaises conditions de vie, l’itinérance ou des déménagements, quoique la souffrance causée par ceux-ci sont déjà des bonnes raisons d’agir. Comme nous l’avons vu, l’interdépendance des différents secteurs de notre société fait en sorte que les remous se font sentir partout. Il faut une volonté d’agir, de l’unité et de la solidarité. Il faut un contrôle public du parc immobilier. Une des recommandations du rapport : la création d’un comité sur l’habitation avec tous les acteurs de la MRC et la pleine coopération de ces acteurs. Seul problème : la collaboration avec le secteur privé, la mairie/Conseil de la MRC et le palier provincial sont impossibles. Le maire Beauregard a déjà déclaré que malgré le rapport, il continuerait dans la voie de la « mixité sociale ». On préfère bâtir de jolies promenades qui coûtent des milliards et de temps à autre donner un peu à un organisme, une belle occasion pour une séance photo à mettre en première page. Le secteur privé lui a déjà fait preuve de son désintérêt pour les loyers abordables et son intention est claire : faire plus de profit. Au provincial, notre député Chantal Soucy a été elle aussi assez claire dans un message publié dans le journal Le Clairon : on versera des fonds publics… au privé !! À travers le programme d’habitation abordable du Québec (PHAQ), qui remplace feu AccèsLogis et qui a été vivement critiqué, elle compte inciter les entrepreneurs privés à construire plus, mais comme on sait déjà : ils n’en ont rien à faire, donc rien ne sera fait en ce sens. D’ailleurs, elle a même pris la peine de mettre les mots « par le secteur privé » en caractère gras dans son message, juste pour être sûr qu’on la comprenne : elle et son gouvernement protègent les intérêts du Capital, pas ceux de la population.
Les groupes démocratiques de la région eux ont la volonté de faire ce qu’il faut et l’expertise. La Corporation de développement communautaire des Maskoutains (CDC), qui regroupe 57 organismes, a fait appel à la solidarité et à l’action dans un message sur leur site pour le premier juillet et d’autres qui était répondants dans le rapport on aussi souligné l’importance de l’unité face au problème. De plus en plus, les habitants de la région démontrent aussi leur désir pour l’action, comme lorsque des personnes concernées ont rempli la salle pendant une audience publique sur la démolition de cinq bâtiments situés sur les avenues Robert et de la Concorde Nord et sur la rue Saint-Antoine afin d’exprimer leur mécontentement, forçant un moratoire sur le dossier. Habitation Maska, un OSBL créer par l’Office d’Habitation des Maskoutains et d’Acton qui gère plus d’une centaine de logis, représente une fondation pleine de potentielle pour une gestion saine, publique et bien planifiée pour répondre aux besoins des gens, plutôt que les poches de quelques-uns. Il est temps d’arrêter de travailler en silo et de faire front commun contre tous les paliers de gouvernement pour lutter contre la hausse des coûts de le vie, et ce dans tous ses aspects. Les actions isolées ne suffisent plus…