Quelles perspectives pour le mouvement étudiant au Québec?

Quelles perspectives pour le mouvement étudiant au Québec?


Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #51 – Mai 2023


L’émergence d’une nouvelle association syndicale étudiante a de quoi nous réjouir, d’autant plus qu’elle endosse la Charte de Grenoble, laquelle est héritière du Conseil national de la Résistance – donc du Parti communiste français.

En 2019, l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante) s’est dissoute, laissant orphelins les militant-es les plus actifs. Sans revenir sur l’ensemble des raisons qui ont poussé cette organisation à se saborder (car il s’agit en effet d’un cas de suicide collectif), on ne peut que déplorer le gauchisme anarchisant comme raison principale.

Quant aux Comités unitaires sur le travail étudiant, leurs positions mi-gauchistes mi-réactionnaires visant à réinventer le mouvement étudiant sur des bases idéalistes et « féministes » partagent une part de responsabilité également.

Quoi qu’il en soit, depuis février dernier, une tentative de rebâtir le mouvement étudiant est en marche. Une première assemblée a eu lieu à Québec au cours de laquelle des positions éminemment progressistes notamment la référence à la Charte de Grenoble ont été adoptées. Le 29 avril dernier a eu lieu à Sherbrooke une rencontre de cet embryon d’association étudiante qui ouvre un potentiel militant pour l’ensemble des étudiant-es pour peu que les éléments ci-dessous soient respectés :

1) Le mouvement étudiant doit être un mouvement de masse. Ainsi, il doit s’articuler autour de demandes immédiates et universelles capables non seulement de s’assurer de l’accessibilité à l’éducation pour tous et toutes, mais aussi de lier cette lutte à celle contre toute tarification des services publics. La demande principale en ce sens est celle de gratuité scolaire;

2) Il doit être vecteur d’unité avec le mouvement syndical et ouvrier. L’histoire le prouve : sans appui syndical, le mouvement étudiant est voué à l’échec;

3) Il doit appuyer l’action politique indépendante de masse. Le slogan « tous pourris » lorsqu’il s’agit de parler politique, voire lorsqu’il s’agit d’effacer la politique au profit d’actions directes et immédiates n’a jamais porté fruit. Il en est de même dans le cas contraire où l’action économique et immédiate sous-traite le politique aux partis. Entre les deux, il y a la perspective réellement progressiste et révolutionnaire : les luttes économiques et immédiates, donc les luttes étudiantes, ne peuvent exprimer leur potentiel que lorsqu’elles sont prolongées politiquement. Pour ce faire, elles doivent s’appuyer sur un parti ou une coalition qui lutte pour leurs aspirations;

4) Il doit entretenir des liens avec le mouvement étudiant progressiste du Canada anglophone, car on pense trop souvent que les questions étudiantes ne sont que provinciales. Or, c’est notamment le gouvernement Chrétien qui, dans les années 1990, a permis aux gouvernements provinciaux de s’enfuir avec l’argent destiné à l’éducation post-secondaire. Ce désengagement sert à la fois de cause et d’instrument pour imposer une marche forcée à la marchandisation de l’éducation. C’est pourquoi les étudiant-es du Québec ont vocation à se rassembler avec leurs camarades de classe à travers le pays et à s’appuyer mutuellement;

5) Il doit enfin se revendiquer de l’internationalisme. En effet, les étudiant-es d’ici doivent, comme c’était le cas à l’époque de la guerre du Viêt-Nam, comprendre qu’ils ont un rôle à jouer dans la lutte pour la paix et la solidarité internationale. Les milliards destinés au budget militaire sont autant d’argent qui pourrait servir à garantir la gratuité scolaire pour tous et toutes. Il n’existe aucune guerre qui se fasse au profit des étudiant-es. Toutes se font au profit des grandes entreprises, celles-là même qui ici, marchandisent l’éducation pour mieux faire pleuvoir les bombes ailleurs.

Pour faire court, le mouvement étudiant doit à la fois lutter pour les revendications immédiates des étudiant-es, celles-là même capables de bâtir un mouvement puissant notamment autour de la gratuité scolaire. Si simple que puisse paraître cette demande, c’est elle qui permet de mettre de l’avant l’éducation comme service public, comme salaire socialisé, et d’unir la lutte étudiante aux luttes syndicales qui cherchent, en pleine bataille du front commun, à défendre leurs conditions de travail et, ce faisant, défendre les services publics.

D’autre part, le mouvement étudiant a vocation à s’impliquer dans la lutte politique et exiger des demandes progressistes. Il doit le faire de façon honnête, mais sans illusions. Il ne s’agit pas de sous-traiter le politique aux partis à la solde du capitalisme monopoliste d’État ni de remplacer le politique par l’action directe. Il s’agit à l’inverse de conjuguer la lutte immédiate à sa prolongation naturelle, à savoir la lutte politique.

Pour ce faire, il importe non pas d’appuyer un parti ou un autre, mais bien de mettre de l’avant un manifeste clairement anti-monopoliste auquel les différentes forces démocratiques et populaires ainsi que le mouvement syndical et les partis politiques réellement progressistes pourraient se rallier.