Ni la paix, ni la guerre ne sont inévitables

Ni la paix, ni la guerre ne sont inévitables


Adrien Welsh
Clarté – Mai 2025


Nous reproduisons ci-bas un discours prononcé par Adrien Welsh, secrétaire national du Parti communiste du Québec, à l’occasion de l’événement « L’ère Trump : entre bellicisme et défi existentiel pour le mouvement de la paix » organisé par le Mouvement québécois pour la paix le 28 février 2025.

Chers amis, chers camarades; partisans et partisanes de la paix, 

Dans le Manifeste du Parti communiste, les deux fondateurs théoriques du socialisme scientifique, Marx et Engels, écrivaient il y a 177 ans et une semaine très exactement, soulignaient que « dans les différentes luttes nationales des prolétaires, [les communistes] mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. » 

Quelques années plus tard, Marx ajoutait que la lutte pour le socialisme est, en substance, internationale; mais que dans sa forme elle est nationale. 

Contrairement aux autres combats démocratiques et populaires, voire syndicaux, la lutte pour la paix et contre l’impérialisme implique un paradigme internationaliste où il est impossible de se cacher derrière les prétendus intérêts « nationaux ». C’est ce qui en fait le pinacle de la conscience de classe. 

Depuis son origine, le mouvement communiste a su apprécier la relation dialectique entre d’une part la nécessité de garantir la paix et la souveraineté puis, de l’autre, celle de lutter contre nos exploiteurs d’où qu’ils viennent. 

Plus que jamais, c’est la compréhension du caractère dialectique (et non parallèle) de cette relation qu’il nous faut saisir comme base de notre action collective pour la paix. En effet, la consubstantiation entre la lutte pour la souveraineté et la démocratie, celle pour l’internationalisme et la solidarité; puis le combat pour l’abattement du capitalisme et son remplacement par le socialisme est nécessaire. 

À l’ère Trump, il est facile d’être trompé. Or, ces duperies sont cousues de fil blanc, préparées à dessein par la classe dirigeante qui cherche par tous les moyens de brouiller les pistes. 

À l’ère Trump, ceux qui s’imaginaient que l’impérialisme se résume à la domination d’un seul pays sont déboussolés. Ceux qui s’imaginent que la guerre et la domination suffisent à définir l’impérialisme sont déboussolés. Ceux qui, inversement, s’imaginent que l’anti-impérialisme se résume à l’anti-américanisme sont déboussolés. Ceux qui espèrent une marge de manœuvre pour la social-démocratie ou d’un « capitalisme patriotique » et de la collaboration de classe sont déboussolés. 

Particulièrement depuis 2022, ces « alter-impérialistes » patentés qui hier se camouflaient en anti-impérialistes révèlent leur visage véritable et écument aujourd’hui le mouvement de la paix au sens le plus large. On peut penser à Medea Benjamin de Code Pink, les copies conformes de l’International Peace Bureau dont World Beyond War ou encore l’auto-identifiée Plateforme anti-impérialiste mondiale dont le but n’est autre que de réagencer, voire coopter, l’impérialisme de sorte qu’il profite à une autre section du capital, soit la petite-bourgeoisie et les couches intermédiaires quand ce n’est pas d’autres sections du monde, donc un nouveau partage… 

En tant que système global basé sur la prédation et la compétition exacerbée entre monopoles, l’impérialisme ne connaît aucune humanité ni démocratie. Pour lui, il n’y a que des profits, voies et moyens de communication, ressources naturelles, marchés et bassin de main d’oeuvre à rabais à défendre pour maximiser le profit capitaliste. Car le grand drame pour la classe dirigeante aujourd’hui, ce n’est pas son incapacité de générer des profits, mais son incapacité de le réinvestir à des taux de revient satisfaisants. Elle n’a donc plus de marge de manœuvre autre que la guerre : la guerre mondiale à l’international et la guerre civile au sein des masses laborieuses à l’interne dans le but de niveler les salaires au plus bas et contrer la tendance générale à la baisse des taux de profit. 

Ainsi, à l’ère Trump, ceux qui considèrent l’impérialisme de façon scientifique, comme stade ultime du capitalisme ne perdent pas le cap. Nous savons que Donald Trump n’est pas la cause, mais l’effet d’un système capitaliste en crise et de la fuite en avant d’un impérialisme sans cesse plus barbare et meurtrier, plus décomplexé également. L’ère Trump, ce n’est que la poursuite de la compétition exacerbée entre monopoles et les États qu’ils stipendient dans un contexte socio-économique et politique volatil. 

Depuis 2008, l’impérialisme états-unien, sans être un « tigre de papier » (rappelons que ses dents restent atomiques), souffre d’une faiblesse relative. La valeur du dollar vert ne se mesure plus qu’au nombre de baïonnettes qui le défendent. Dans un contexte de prétendue nouvelle révolution technologique, l’accès aux terres rares et autres minéraux essentiels, mais aussi à l’énergie électrique à rabais représente un nouveau défi, d’autant plus que depuis 2008, le terrain perdu par l’impérialisme occidental a été comblé par ses compétiteurs, principalement par la Chine. 

C’est d’ailleurs ce fil conducteur qui sous-tend aussi bien les affirmations vitriolées du Président états-unien que ses choix économiques, politiques et géostratégiques. Les récents évènements le prouvent : il espère imposer une pax americana, une paix froide à travers le monde pour mieux préparer une guerre chaude contre la République populaire de Chine et ainsi contrôler la zone indo-pacifique qui, d’ici peu, constituera la région économique la plus importante au monde. 

C’est dans ce contexte que Trump intime à ses « alliés » ou « partenaires » de serrer les rangs. Derrière les menaces et le chantage, il appelle en réalité les monopolistes de nos pays à l’aide. Non, il ne cherche pas à annexer ni le Canada, ni le Groenland, ni le Panama. Il nous intime à serrer les rangs et à mutualiser nos ressources, mais surtout à nous imposer une augmentation historique des dépenses militaires pour mieux nous préparer à tirer sur la gâchette. 

La saga autour des tarifs sert ce même intérêt : s’assurer que les secteurs-clé de l’économe canadienne soient sous contrôle états-unien. Il s’agit de brader tout à la fois la gestion de l’offre, nos ressources naturelles et nos services publics en plus d’imposer la pénétration des banques et monopoles financiers états-uniens au pays. 

Nos dirigeants politiques, aréopages des monopoles capitalistes, garants de leur propre impérialisme répondent : « présent »! 

Chers amis, 

Dans un discours, j’essaie de me limiter quand il s’agit d’énumérer des faits. À plus forte raison, lorsqu’il s’agit de défendre la paix, il serait malvenu de vous « bombarder » de statistiques… 

Or, au risque de paraître rébarbatif, je ne peux passer sous silence l’appel de la canonnière que fait tonitruer la classe dirigeante. Non contents de l’engagement d’augmenter les dépenses militaires à 2% du PIB, voilà qu’on nous demande de faire trébucher les écus de guerre à 5% et ce, prestement. 

Une telle somme représente 73 milliards de dollars de plus par an. Ce chiffre est si astronomique qu’il nous paraît abstrait. Mais tentons d’en briser l’hermétisme. Avec une telle somme, nous pourrions : 

  • Construire 216 000 logements sociaux publics par an;
  • Bâtir 1825 écoles secondaires ou 430 écoles primaires par an;
  • Ériger 29 hôpitaux par an;
  • Créer 877 400 emplois à temps plein rémunérés à 40$ l’heure, soit au salaire industriel moyen.

Sans être nécessairement exacts, ces chiffres soulignent un ordre de grandeur qui rappelle la justesse des slogans cardinaux du MQP : « de l’argent pour nos salaires, pas pour leurs sales guerres; de l’argent pour nos logements, par pour l’armement; de l’argent pour nos écoles, pas pour les monopoles; de l’argent pour nos usines, pas pour les guerres de rapines. » 

Chers amis, chers camarades, 

Il ne vous aura pas échappé que très prochainement – probablement plus rapidement qu’escompté – nous serons assaillis par les péroraisons politiciennes et les éphémères contorsions illusoires des partis politiques en campagne. Ils chercheront à gagner vos voix pour mieux les livrer sur plateau d’argent aux monopoles qui nous affament et aux fauteurs de guerre. 

Communistes, nous ne nous engageons pas à faire des slogans du MQP de simples éléments de langage. Non. Nous nous engageons à en faire l’élément central de notre programme et de nos interventions lors des élections fédérales à venir. Nous constituerons ainsi le seul Parti politique qui exigera la sortie du Canada de l’OTAN, du NORAD et de toute autre alliance impérialiste actuelle ou à venir; à exiger une réduction draconienne des dépenses militaires de l’ordre de 75% et leur reconversion vers des investissements publics. 

Nous dévoilerons la supercherie de tous ceux qui se gargarisent du concept à la mode de souveraineté pour mieux conjuguer l’impérialisme canadien à l’impérialisme états-unien, y compris les prétendus souverainistes et nationalistes québécois qui n’ont d’autre perspective que l’indépendance dans le but de mieux inféoder le Québec aux intérêts de l’impérialisme états-unien. Certains vont même jusqu’à vanter l’utilisation du dollar américain comme monnaie officielle… Autant pour la « souveraineté »! 

Oui, nous ferons nôtre la lutte pour la souveraineté. Mais pas n’importe laquelle. Car la souveraineté sera populaire ou elle ne le sera pas. Car n’oublions pas que ce sont les monopoles qui ont imposé cette interpénétration entre les impérialismes canadien et états-unien et ce, depuis 1948 à travers le plan Abott, défendu du reste par le très libéral Louis Saint-Laurent. Cette tendance s’est exacerbée au cours des années suivantes notamment à travers la signature de l’ALENA et de son successeur, l’AÉUMC. 

Il est illusoire d’espérer que les partis politiques qui ont accompagné ce processus, quels qu’ils soient, puissent défendre notre souveraineté s’ils refusent une sortie immédiate du Canada de l’OTAN, s’ils ne garantissent pas des droits sociaux, démocratiques et syndicaux accrus; bref, s’ils ne s’attaquent pas au pouvoir des monopoles. 

Ils ne s’attaquent pas à leur plan qui cherche à régler la crise selon les intérêts monopolistes. Oui, ils ont une issue à la crise actuelle. Mais elle passe par la guerre, les mesures anti-populaires; bref par l’idée de faire payer aux masses laborieuses les frais d’une crise dont elles ne sont pas responsables. 

Notre issue est diamétralement opposée à ce parasitisme de classe. Nous espérons une sortie de cette crise par des mesures de rupture avec le pouvoir des monopoles. Elles impliquent un vaste chantier de nationalisation des secteurs-clés économiques, par un refinancement massif dans les services et infrastructures publiques, par la nationalisation de nos ressources naturelles et leur utilisation dans les intérêts populaires, pas ceux des actionnaires. En bref, notre relance cherche à faire payer les véritables responsables de la crise : les monopoles, les grandes entreprises, la classe capitaliste parasitaire et exploiteuse qui nous prépare à la guerre! Nous cherchons à extraire au maximum nos activités productives des féodalités économiques. Or, pour y parvenir, nous n’avons d’autre choix que d’intensifier la lutte. 

Au bureau, à l’usine, dans nos lieux de vie, sur nos lieux d’études, nous devons bâtir un rapport de force qui tiendra en respect les monopoles et leur pouvoir. 

La passivité, c’est assez! L’heure n’est plus simplement à la résistance, mais à l’offensive! 

À ce propos, malgré le ciel d’onyx qui semble poindre à l’horizon, il y a espoir. Oui, Doug Ford a été réélu avec 43%, mais il n’en demeure pas moins que nos 6 camarades qui ont défendu le Parti communiste, soit la moitié d’il y a 3 ans, ont remporté le double des suffrages populaires. Un camarade à Windsor, ville industrielle et ouvrière, a même remporté 600 voies, un score largement supérieur à l’habitude. 

Cette confiance qu’on nous témoigne n’est pas le résultat d’un simple vote de rejet. Elle est l’aboutissement de notre militantisme quotidien, mais surtout de notre cohérence et clarté idéologique. Nous avons vu, au cours des dernières années et des derniers mois, que les questions socio-économiques, mais aussi celles liées à la paix et à la solidarité internationale, trônent au coeur des préoccupations des masses laborieuses. Or, que ce soit devant l’inflation et la hausse du cout de la vie ou devant le génocide en Palestine, voire devant la guerre tarifaire actuelle qui ne présage qu’une guerre mondiale, tous les partis politiques représentés à Ottawa se sont rangés du côté des monopoles et de l’impérialisme. Certes à degrés divers, mais avec conviction et certitude. 

À l’inverse, nous, communistes, sommes les seuls à avoir, depuis 100 ans, proposé une approche juste et cohérente, à avoir fait nôtre la lutte contre le capitalisme et l’impérialisme sans compromission avec telle ou telle section du capital. Toujours nous avons su ancrer les questions internationales, sociales, politiques et démocratiques dans la confrontation entre le capital et le travail. Jamais nous n’avons oublié que l’origine de la guerre et de la crise, c’est le profit capitaliste et, par conséquent, ce n’est qu’en l’abolissant que nous pourrons offrir une véritable issue populaire à la crise et ainsi bâtir un monde de paix et de solidarité exempt de crises et d’exploitation. 

Mais ce monde ne viendra pas de lui-même. Il commande la lutte acharnée et tenace de la classe ouvrière et des masses populaires contre leurs exploiteurs. 

Car au final, ni la paix ni la guerre ne sont inévitables. La paix, c’est notre combat. La guerre, c’est le leur. Mais ce sont nos morts pour leurs profits… Réarmer le mouvement pour la paix, c’est donc désarmer le patronat et les monopoles, c’est s’attaquer aux profits capitalistes. 

Vive l’internationalisme prolétarien! 

Vive le socialisme-communisme! 

Vive le MQP et vive le Parti communiste!