Échos de Trump : la CAQ s’attaque au droit de grève et à la liberté académique
Échos de Trump : la CAQ s’attaque au droit de grève et à la liberté académique
Manuel Johnson
Clarté – Mars 2025

François Legault peut bien s’époumoner à tout vent et prétendre qu’il faut « se battre » contre Trump. Dans les faits, il suit ses pas comme un fidèle acolyte. Certes, les tarifs de Trump risquent de faire mal à la bourgeoisie nationale, mais les politiques sociales de Trump font très bien son affaire. Censure des voix en solidarité avec la Palestine et attaque frontale contre les syndicats, voici deux stratégies trumpiennes adoptées sans réserve par le Québec sous la gouverne de la CAQ. Ce faisant, le parti des monopoles démontre comment la prétendue « neutralité » de l’état et de la loi n’est qu’une fiction juridique.
Droit de grève
La dégradation de la qualité de vie des travailleurs provoquée entre autres par la spirale inflationniste des derniers temps mène à une recrudescence de mobilisation des organisations syndicales. La grève historique du Front commun de 2023 illustre ce nouvel élan qui menace le pouvoir des monopoles. Sur la scène fédérale, des grèves des travailleurs de cheminots, de débardeurs du Port de Montréal et des postiers ont jalonné 2024. En réponse, le gouvernement Libéral de Justin Trudeau a eu recours à l’article 107 du Code canadien du travail à profusion. Il permet à Ottawa d’intervenir en faveur de la partie patronale, en demandant au Conseil canadien des relations industrielles de suspendre une grève en cas d’impasse dans les négociations.
Cet article de loi est contesté devant les tribunaux par les syndicats. Car en 2015, la Cour suprême du Canada a confirmé que le droit de grève fait partie des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, des lois spéciales mettant fin à des grèves ont été déclarées inconstitutionnelles.
Or, pour le gouvernement Legault, le droit n’est pertinent que s’il sert les intérêts des monopoles. Ainsi, le 19 février 2025, jaloux des pouvoirs fédéraux (contestés) d’entraver le droit de grève, le ministre québécois du travail, Jean Boulet, a déposé un projet de loi visant à accorder au ministère d’intervenir pour limiter la durée des grèves, et imposer un arbitrage exécutoire imposant un retour au travail.
Peu importe que ce projet de loi soit fort probablement jugé inconstitutionnel! Le temps que la longue et ardue contestation judiciaire suive son cours, le rapport de force aura déjà été modifié en faveur de la partie patronale. Autrement dit, le gouvernement Legault souhaite briser l’élan de la mobilisation syndicale, ce qui sera nécessaire pour achever son programme des coupes et de privatisation des services publics. Et il aura le temps de le faire, même en cas de déclaration éventuelle d’inconstitutionnalité.
Liberté académique
Avec son projet de bureau du Québec à Tel-Aviv, le parti pris du gouvernement Legault pour le sionisme est aussi évident. Encore une fois, le fait que Legault bombe le torse face aux menaces de tarifs de Trump n’enlève rien à son penchant pro-impérialiste.
En 2022, la CAQ a fait adopter le projet de loi 32, qui s’applique au milieu universitaire, et qui « définit le droit à la liberté académique comme le droit de toute personne d’exercer librement et sans contrainte doctrinale, idéologique ou morale une activité par laquelle elle contribue à l’accomplissement de la mission d’un tel établissement d’enseignement. »
Des beaux principes! Certes, la loi ne s’applique pas aux CÉGEPS, mais, on s’attendrait à ce qu’un gouvernement si favorable à la liberté académique respectera son esprit en milieu collégial.
Et non, pour la pro-impérialiste CAQ, la liberté académique ne vaut que pour des positions avec lesquelles elle est confortable. Ainsi, des professeurs du Collège Dawson ont dû dénoncer l’ingérence de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, qui est intervenue directement pour influencer le contenu d’un cours de français au collège anglophone. La raison? Parce que les étudiants avaient le choix de lire un roman écrit par une Palestinienne. Pour la ministre, cette liberté académique de la professeure risquait de « jeter l’huile sur le feu » sur le campus.
Le fait que la ministre Déry a siégé pendant plusieurs années sur le conseil d’administration de l’ultra-sioniste Centre for Israeli and Jewish Affairs ne fait pas sourciller les autres membres du gouvernement Legault, loin de là. Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Jean-François Roberge, a défendu l’ingérence politique de sa collègue, disant que « on ne veut pas importer des conflits internationaux ici. »
« Neutralité » de l’État
Clairement, le respect des règles de droit du gouvernement Legault est à géométrie variable. Les droits fondamentaux protégés par les Chartes, la liberté académique enchâssée dans la loi deviennent des coquilles vides devant le besoin de modifier le rapport de forces entre patrons et travailleurs ou de faire taire toute critique du projet impérialiste en Palestine (et même de tuer dans l’œuf la possibilité que des jeunes développent un esprit critique en lisant un roman). Voilà un autre exemple du fait que d’avoir des droits sur papier ne vaut pas grande chose si la classe ouvrière ne détient pas le pouvoir.