La menace tarifaire de Trump et le mouvement syndical
La menace tarifaire de Trump et le mouvement syndical
Stéphane Doucet
Clarté – Mars 2025

Les déclarations de Trump concernant les tarifs a eu l’effet d’une bombe dans certains milieux syndicaux, notamment dans le secteur privé. Que ce soient les tarifs visaient le Canada et le Mexique, ou ceux sur toutes les importations américaines d’acier et d’aluminium, les deux seraient supposés entrer en vigueur au mois de mars. Sans s’avancer sur la question à savoir si les tarifs prendront réellement effet, on peut pour l’instant analyser la réponse du milieu syndical et en tirer certaines conclusions.
Premièrement, le Congrès du travail du Canada (CTC), appelle à ce que le gouvernement réponde par des contre-tarifs sur le bois, l’électricité, le pétrole et autres matières premières. Il espère également une « une stratégie à long terme pour réduire la dépendance du Canada au commerce avec les É.-U., élargir nos partenariats économiques et diversifier les marchés. »
Devant la réaction du gouvernement Legault, Unifor dénonce « l’apparente résignation totale du gouvernement face aux tarifs américains » et soulève que « plutôt que de défendre les travailleuses et les travailleurs québécois, le gouvernement leur suggère de complètement changer de métier, de quitter leurs collègues, leur région et leur mode de vie pour aller construire des barrages dans le nord du Québec. » La centrale ajoute que « le secteur manufacturier joue un rôle crucial dans l’économie du Québec et de ses régions. Le gouvernement devrait s’atteler à freiner son atrophie plutôt que de baisser les bras. »
Chez les Métallos, syndicat piloté depuis les États-Unis, les tarifs sont dénoncés comme menace pour les travailleurs de part et d’autre de la frontière. Ils se contentent de demandes générales de “soutien aux travailleurs”. Ironiquement, les Métallos avaient appuyé le gouvernement fédéral il y a moins d’un an, lorsque ce dernier avait imposé des tarifs de 100% sur les véhicules électriques chinois, ainsi que de 25% sur leur acier et aluminium.
Pour sa part, la CSN, peu représentée dans le secteur secondaire à valeur ajoutée, se contente d’un paragraphe réclamant “que tout soutien aux entreprises serve aussi à protéger les emplois et non à servir les seuls intérêts des dirigeants et des actionnaires.” Elle oublie pourtant que les services publics sont dans la ligne de mire de Trump…
Dans son ensemble, les grandes centrales du Québec et du Canada ont adopté un ton dur face à cette menace. C’est certainement justifié. Juste à l’annonce des tarifs, plusieurs usines ont immédiatement réduit leur production, et les pertes d’emploi ont commencé à être annoncées: 15 emplois à la mine Niobec à Saint-Honoré (Unifor), 115 à Meubles South Shore (dont 60 Unifor), auxquelles s’ajoutent sans doute bien d’autres qui n’ont pas été reportés dans les médias. Selon le gouvernement Legault lui-même, il 100 000 emplois seraient ainsi perdus au Québec.
Malheureusement, devant une telle attaque, le mouvement syndical s’appuie sur le tripartisme (syndicats – entreprises – gouvernement). Bien sûr, un nombre important de PME, de fermes familiales ou d’autres petits épargnants paieront les frais de ces tarifs. Par contre, les monopoles y retrouveront la monnaie de leur pièce.
La proposition du CTC de diversifier les partenaires économiques est intéressante parce qu’elle réduirait la dépendance envers les monopoles étasuniens. Ceci dit, ce n’est pas un substitut à la mise en place d’une stratégie économique basée sur la réindustrialisation du pays, alors qu’à l’instant nous sommes totalement dépendants de n’importe quel marché extérieur. La COVID nous a certainement démontré à quel point il est important d’avoir une économie diversifiée où l’on peut parvenir à nos propres besoins dans la mesure du possible, dans un contexte économique mondial interconnecté et interdépendant.
Pour atteindre un tel objectif, il faut en finir avec la défense du “libre-échange”, qui au final n’est qu’un slogan trompeur qui cache son projet réel, celui de livrer marchandises, ressources et main d’œuvre sur un plateau d’argent aux grandes entreprises, quelle que soit leur origine. Le libre-échange n’est que l’abolition des normes de travail, environnementales, démocratiques, obtenues par les luttes syndicales, ouvrières et populaires qui entravent la recherche du profit.
Il n’y a que 40 ans, la lutte contre le libre-échange était un des combats politiques principaux du mouvement syndical.
On le sait, le « libre-échange » des années 1980 n’était qu’une Constitution taillée sur mesure pour les grandes entreprises. Aujourd’hui, Trump cherche à en militariser et dompter les peuples qu’il subjugue. C’est pourtant sur ce sujet que les syndicats devraient s’avancer…