Le sage pointe la lune, l’idiot lorgne le doigt

Le sage pointe la lune, l’idiot lorgne le doigt


Adrien Welsh
Clarté – Mars 2025


Aussitôt élu, Trump installe ses malandrins aux commandes. Elon Musk et ses argonautes de « l’upsésphère » s’imposent en mafieux institutionnalisés pour terroriser la fonction publique et la privatiser. C’est la version états-unienne du massacre à la tronçonneuse engagé par Millei, lui-même inspiré, rappelons-le, par la marche forcée à la privatisation – donc à la tiers-mondisation – du Salvador. 

À gauche comme à droite, on sonne le tocsin, voire le glas, comme si on apprenait, tétanisés de surprise, la violence de la prédation capitaliste et de la barbarie impérialiste.

Trump impose la fermeture de l’USAID. On pousse des cris d’orfraie stridents dans les chancelleries occidentales comme au sein des pays bénéficiaires des largesses de la mission humanitaire de la CIA. Car c’est ce dont l’USAID est le nom! Il semble que pour une partie de la classe dirigeante états-unienne, cette agence de « développement international » soit devenue surannée. Soit. Mais rappelons tout de même que son rôle n’a jamais été autre que de défendre les intérêts de l’impérialisme au sein de la prétendue société civile, notamment à travers des syndicats jaunes et corrompus dans le but avoué de débouter les communistes. Devrions-nous pleurer sur sa tombe? Non! Inversement, nous n’avons pas à nous réjouir de sa dissolution : elle ne signifie en rien que l’impérialisme états-unien change d’objectif, mais plutôt qu’il s’affaire à trouver de nouveaux drogmans pour arriver à dessein. Les élections allemandes nous ont prouvé à quel point Elon Musk et X peuvent assumer le rôle d’ingérence dans les débats politiques à travers le monde… 

Pour le reste, mais c’était également le cas avec l’USAID, il y a la guerre conventionnelle, les sanctions et autres mécanismes bien connus de l’impérialisme. 

Sa récente pantalonnade avec Zelenski a de quoi faire rougir Molière. D’un côté, les anti-Trump ont pris le parti du Président ukrainien, découvrant avec stupeur que l’impérialisme trahit ses alliés! Comme si ce système global avait pour principe la loyauté autre qu’envers ses monopoles et les profits capitalistes. D’autre part, les pourfendeurs de ce Président fantoche ont applaudi Trump pour sa brimade. Béotiens, ils semblent oublier l’objectif de cette démonstration de force. 

Le Président états-unien ne s’est pas seulement permis d’humilier son homologue ukrainien en lui rappelant que sans les États-Unis, « il n’est rien » rappelant ainsi qu’il n’est qu’un pion dans l’échiquier mondial. Il en ajoute une couche lorsqu’il rappelle à Zelensky que ce dernier joue à la Troisième Guerre mondiale. Le message subliminal est clair : ce sont les États-Unis qui font ou arrêtent les guerres… 

Du reste, on ne peut éluder l’élément fondamental sous-tendant le discours et la rhétorique populiste de Trump. 

Depuis la crise de 2008, l’impérialisme occidental, particulièrement les États-Unis, accusent un retard économique devant leur premier compétiteur, la Chine. Alors que cette dernière est non seulement engagée, mais aussi bien avancée dans cette « nouvelle » révolution informatique, les monopolistes dont Musk et Zuckerberg ont peur pour leur hégémonie. Car si immatériel qu’il puisse sembler, le secteur informatique repose sur des minéraux et des terres rares qui eux, sont très matériels. Or, pour y accéder, les États-Unis doivent passer soit par… le Canada, le Groenland, l’est de l’Ukraine ou la Chine… 

L’attrait économique des États-Unis s’érode. Son économie bat de l’aile. Son hégémonie, bien que dominante, est relativement contestée. Le billet vert ne séduit plus les économies mondiales : il faut donc l’imposer par la baïonnette. 

C’est dans ce contexte de faiblesse relative de l’impérialisme états-unien qu’apparait Trump qui impose une nouvelle tactique pour tenter de réimposer l’hégémonie états-unienne. Son ennemi principal est la Chine, c’est pourquoi il se permet d’imposer des « paix froides » avec la Russie et d’autres pays pour lancer une « guerre chaude » à son encontre. 

Derrière la menace de guerre tarifaire qui nous assaille, Trump ne cherche en fait qu’à mettre en branle une tactique de chantage. Tous nos dirigeants, fédéraux comme provinciaux, tombent dans le panneau et cherchent à brader nos ressources, privatiser nos services publics en vue d’une plus importante pénétration des capitaux états-uniens au Canada et au Québec. Ils ne se font pas prier du reste, pas plus que les banquiers et industriels de France n’ont eu le bras tordu pour collaborer avec les Nazis. 

Mais le plus dangereux, c’est que sous ce laiteux ciel d’Onyx, alors que Trump darde du doigt une lune opaline qui masque en réalité la guerre. Et nous ne lorgnons que le doigt. Car au final, derrière les menaces de tarifs ou d’annexion, se cache le spectre de la guerre. Si Trump cherche, en fait, à nous imposer l’augmentation des dépenses militaires, c’est pour mieux acérer les dents atomiques du tigre (pas du tout de papier) de l’impérialisme. 

Nous serons très prochainement appelés aux urnes. L’heure n’est pas au moindre mal. L’heure est à la lutte contre le pouvoir des monopoles et contre l’impérialisme. Ce n’est qu’en minant le patronat coalisé que nous pourrons lutter véritablement pour la paix, l’égalité nationale, la démocratie et le socialisme.