En lutte contre le parlement des monopoles!
En lutte contre le parlement des monopoles!
Adrien Welsh
Clarté – Mai 2025

Sans grande surprise, les libéraux, mais dirigés par Mark Carney cette fois, ont été reconduits au pouvoir. Ils reprennent le perchoir plus ou moins comme ils l’avaient laissé : en condition de gouvernement minoritaire et ce, à trois sièges près d’une majorité.
Si la soirée électorale a été serrée, le verrouillage et le contrôle du parlement par les monopoles capitalistes représente le fait saillant de ces comices. En effet, les deux grands partis politiques fondés de pouvoir par les grandes entreprises, banquiers et industriels se partagent plus de 80% des suffrages populaires. L’heuristique de la peur des influences trumpiennes au Canada couplée à la stratégie du « cordon sanitaire » ou du « vote stratégique » ont bien servi les intérêts du grand capital qui, sans être une nouveauté, contrôle directement le politique plus que jamais.
Bien qu’ils doivent se contenter d’un retour aux bancs de l’opposition officielle et ce, leur Chef en moins, les conservateurs ont marqué une importante victoire : leur vote populaire toisent un sommet jusqu’alors jamais atteint. Ce sont eux, donc, avec leur populisme crade, qui pèseront le plus dans les choix politiques du gouvernement à venir.
Du reste, ce gouvernement minoritaire semble déjà se cimenter comme une coalition entre conservateurs et libéraux. Au-delà des différences discursives ou stylistiques, conservateurs et libéraux s’entendent sur les fondamentaux. Le consort conservateur intérimaire, Andrew Scheer, annonce qu’il s’engage à laisser sa chance au coureur puisque Carney a été élu grâce à des politiques qui tranchent avec la tradition libérale. Sans rien exagérer, une telle affirmation s’accorde avec la réalité : banquier, Gouverneur de deux banques centrales dont celle du Canada lors de la crise de 2008, Stephen Harper aurait même espéré compter sur lui dans son cabinet…
La question qui s’impose est donc la suivante : en tant que fondé de pouvoir du capital, comment se fait-il que Carney aboutisse comme Homme providentiel à la sauvegarde d’un gouvernement libéral minoritaire? Clairement, les monopoles, dont il est fondé de pouvoir, n’avaient pas confiance en un gouvernement conservateur ayant pour seul atout la rhétorique de son chef. Mutatis mutandis, il aurait facilement pu se retrouver ministre des Finances dans un gouvernement conservateur possiblement majoritaire…
Débâcle du NPD et des verts : autant pour l’opportunisme et la collaboration de classe
La débâcle du NPD s’explique principalement par son incapacité à rejoindre les masses populaires et ses plus de deux ans en couche avec le gouvernement libéral. Alors que les conservateurs affinaient leur populisme dirigé envers les masses laborieuses, articulant un discours péremptoire et hypocrite autour du cout de la vie et du logement, les néodémocrates s’enlisaient dans une complaisance frôlant l’arrogance intellectuelle. Ils prétendaient se positionner comme le parti qui a réussi à conquérir d’importantes concessions au capital à travers les nouveaux programmes dentaires et oculaires loin d’être universels.
Pendant leur participation au gouvernement, le Canada envoie des milliards supplémentaires en Ukraine. En Palestine, c’est : « silence, on tue ». Les salaires réels baissent devant une hausse du cout de la vie sans précédent suivie de celle des taux d’intérêt. La crise du logement devient humanitaire.
En clair, le NPD paie le prix politique de sa collaboration avec les libéraux dans un contexte où les travailleurs et les masses populaires ont vu leurs conditions de vie se dégrader après 10 ans de régime libéral par rapport à l’époque Harper.
C’est ainsi que, sur les 24 sièges qu’occupaient les néodémocrates avant la dissolution de la Chambre, 10 sont passés aux conservateurs, soit plus encore qu’aux libéraux.
Défait dans sa propre circonscription, Jagmeet Singh démissionne. Pour autant, le débat ne fait que commencer au sein du NPD. La course pour un nouveau Chef cristallisera certainement une fracture entre un camp qui persistent dans la tactique du remplacement du Parti libéral et un autre qui rêve d’une social-démocratie plus radicale. Loin d’être putative, cette lutte commence déjà à embraser les rangs du parti : le syndicaliste ontarien Sid Ryan appelle déjà à la « purge » des pontes qui seraient, selon lui, responsables de cette catastrophe électorale.
Dépité, l’électorat du NPD semble se rendre compte avec stupeur, mais certainement trop tard, que la social-démocratie accompagne depuis toujours le pouvoir des monopoles et l’impérialisme. Toute tentative de la réformer ne peut se solder que par un échec.
Quant au Parti vert, son essentialisation pas tant de la question environnementale, mais du discours écologique, sans véritable projet politique, confine ce parti lobbyiste plutôt que politique dans une voie de garage. Sans cohérence aucune, il rassemble des gauchistes adeptes de l’action directe comme des réactionnaires invétérés comme le dirigeant de son aile jeunesse qui, pro-militariste et pro-atlantiste, n’a que peu à envier à Donald Trump.
Au final, verdir ou humaniser le capitalisme et l’impérialisme ne peut se solder que par de cuisants échecs chèrement payés par la classe ouvrière et les travailleurs.
La campagne au Québec
Avec 23 sièges, le Bloc québécois s’en tire à bon compte et déjoue les pronostics des instituts de sondage. Pourtant, il a campé sur des positions plutôt éloignées de son a priori favorable à la souveraineté, ce qui lui a valu la bile de PSPP d’ailleurs.
Au-delà du Bloc, la campagne au Québec aura été marquée par quelques escarmouches notamment entre le PQ et son supplétif fédéral, mais surtout par une passivité de François Legault contrastante avec le scrutin de 2021. À demi-mot, il s’est permis de lancer quelques fleurs à Poilièvre au sujet de l’immigration notamment, mais il s’est bien gardé de s’attaquer à Carney et aux libéraux prétendument trop centralisateurs. C’est qu’entre capitalistes, on s’entend; mais surtout, bon nombre de ses partisans ont sans doute jeté leur dévolu sur le Parti libéral. Comment expliquer autrement que certaines circonscriptions caquistes, dont Trois-Rivières, se soient dotes d’un élu libéral? D’ailleurs, au lendemain des élections, François Legault rappelle que Mark Carney « en doit aune aux Québécois » devant les 43 comtés remportés par le Parti libéral.
Pourtant, s’il est un élément particulier à retenir de cette campagne au Québec, c’est bien la duperie du nationalisme annoncé des forces souverainistes. Leur vision de la souveraineté n’a rien à voir avec le droit démocratique à l’autodétermination. Elle s’accorde par contre à merveille avec la souveraineté du capital. Yves-François Blanchet a cherché à s’imposer comme l’homme fort du Québec non pas pour nous émanciper de Trump, mais plutôt comme caution nationaliste dans lors des négociations à venir entre le Canada et les États-Unis. Quant à PSPP, il prétend que le Canada représente une menace existentielle pour le Québec. Ce faisant, les deux affirment l’intention véritable des capitalistes québécois qu’ils représentent : s’intégrer directement à l’impérialisme états-unien. En ce sens, les deux ne semblent présenter aucune différence avec les fascistoïdes albertains qui espèrent un « wexit ».
L’espoir est dans nos luttes
Bien loin de se résigner ou d’ergoter autour de nouvelles recompositions politiques prétendument plus favorables à la classe ouvrière et aux travailleurs, l’heure est à l’organisation, à la lutte et à la confrontation. Plus que jamais, il est temps d’organiser notre colère contre les patrons et les actionnaires. Ce sont eux et leur pouvoir qui sont les principaux responsables de la situation actuelle.
Si les tarifs de Trump et son chantage d’annexion prennent, c’est d’abord parce que les monopolistes canadiens – et québécois – ont décidé de développer notre économie à leur avantage égoïste, soit en interpénétrant les économies des deux marchés. Aujourd’hui, si ce n’est la politique étrangère envers Cuba, quelques services publics mieux nantis qu’au sud de la frontière et une politique de gestion de l’offre pour protéger les petits agriculteurs, le Canada représente déjà, fondamentalement, un protectorat yankee.
On le sait, les guerres tarifaires, menaces d’annexion, chantage économique, sanctions ne représentent pas une anomalie du capitalisme, mais plutôt sa nature propre. Derrière ces menaces, Trump ne cherche qu’à forcer la main au patronat canadien – qui ne se fait pas prier d’ailleurs – pour casser nos services publics, l’emploi, nos droits syndicaux et démocratiques dont notre souveraineté, faire main basse sur nos ressources naturelles, forcer des dépenses militaires exorbitantes.
La récente campagne électorale nous l’a prouvé : aucun des cinq partis représentés à Ottawa n’a l’intention de défendre la souveraineté populaire du Canada. Tous cherchent à négocier avec Trump l’accord qui favorisera le mieux la section du capital qu’ils représentent, sacrifiant ainsi au passage les masses populaires.
Le parlement des monopoles bien installé à Ottawa ne se fera pas prier pour collaborer avec Trump. Car l’impérialisme états-unien est indissociable de l’impérialisme canadien.
C’est pourquoi les mouvements démocratiques et populaires, le mouvement syndical doivent former une véritable opposition. Dans la rue, au bureau, à l’usine, dans nos quartiers comme sur nos lieux d’études, il s’agit de dynamiser et d’intensifier la lutte contre leur plan de sortie de crise qui passe par la guerre, l’austérité, le chômage et la précarité. Mais se battre au niveau socio-économique, confiner nos luttes aux demandes immédiates, s’enliser dans une forme de lobbyisme ne suffit pas. Il s’agit de franchir le cap et de s’organiser politiquement autour de points de rupture avec le pouvoir des monopoles.
Ces points de rupture ont été portés avec succès par le Parti communiste du Canada lors de la récente campagne. Il s’agit maintenant de convaincre les forces vives capables d’en finir avec la puissance de ces féodalités économiques de tourner le dos à la collaboration de classe, au dialogue social, aux recompositions politiques de la social-démocratie et de s’engager avec audace dans la lutte pour la paix, la solidarité internationale et la transformation sociale.