À quoi peut correspondre, à notre époque, un jeune libéral au Québec?
À quoi peut correspondre, à notre époque, un jeune libéral au Québec?
Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #52 – Août 2023
Le 19 aout dernier, une centaine de jeunes libéraux et sympathisants se sont réunis à Montréal à l’appel de la commission Jeunesse de cette organisation. L’objectif de ce « Congrès-jeunes » est de formuler des propositions visant une « relance » de ce parti qui a connu sa pire performance électorale lors des élections de l’automne 2022.
Exercice démocratique ou opération de communication? Question rhétorique!
On se demande en effet du poids que prendront les conclusions d’une telle discussion alors que seule une centaine de personnes sont consultées pour un Parti politique qui compte toujours plusieurs milliers de membres et des ressources considérables. De même, on note que l’élection de la nouvelle Présidente de la commission Jeunesse, censée assumer ses fonctions le 1er septembre, était déjà actée tandis que ce synode a lieu alors que la commission Relance du Parti n’a toujours pas déposé son rapport.
Difficile donc de croire que cette centaine de jeunes se soit réunie en Congrès. Il semble plutôt s’agir d’une consultation parmi d’autres qui permette aux stratèges en communication du Parti libéral de prétendre faire peau neuve.
Propositions déconnectées
Cette farce de mauvais goût ne cherche qu’à prendre à parti les jeunes militants pour mieux supplier le patronat de continuer à miser sur les libéraux. Les propositions formulées, finement rédigées et sciemment fuitées dans la presse en sont la preuve.
Parmi celles-ci, on compte la volonté d’abolir les intérêts (aujourd’hui à 7%) sur les prêts étudiants en contexte inflationniste… jusqu’à ce que la situation se résorbe! Il n’est pas question de gel des frais de scolarité, encore moins de les réduire. Quant à la gratuité scolaire, passons. Pis encore, on ne ferme pas la porte à une nouvelle fiscalité qui pourrait faire avancer la cause de la marchandisation de l’éducation et en rendre l’accès encore plus prohibitif. Non, il ne s’agit que d’un moratoire temporaire sur les intérêts de la dette étudiante et ce, jusqu’à ce que les pressions inflationnistes baissent notamment grâce à des taux d’intérêt gonflés aux stéroïdes – donc le moratoire sur les intérêts des dettes étudiantes sera automatiquement pallié par les autres dettes à la consommation… Ajoutons d’ailleurs qu’aucune balise claire n’est présentée pour mettre fin à ce moratoire qui pourrait prendre fin le lendemain de l’élection d’un gouvernement libéral!
On propose également l’instauration d’un revenu minimum garanti… Idée alléchante, mais véritable cheval de Troie! Au lieu de plancher sur la création d’emplois durables, d’augmenter les salaires et de réduire le temps de travail, on appelle à une subvention du chômage.
Quant à l’idée de mettre sur pied une commission permanente sur les autochtones, c’est du réchauffé, comme si le problème en était un de communication ou de manque de connaissances. Foutaise! Nous ne sommes plus dans les années 1960! Tout le monde connait le génocide dont ils ont été victimes et l’opprobre dont ils souffrent encore aujourd’hui. Le temps n’est plus à la communication ni à la recherche, mais à l’action! Le temps n’est plus à garantir les simples droits humains, mais les droits politiques aux peuples et nations autochtones.
Dans un contexte où la jeunesse et les masses populaires sont frappées de plein fouet par un patronat qui cherche à les faire payer durablement pour une crise dont nous ne sommes pas responsables, les propositions de ces jeunes libéraux ne manquent pas seulement d’envergure. Elles sont une honte qui prouve à quel point jeunes ou moins jeunes, les membres et sympathisants du Parti libéral roulent pour les monopoles.
Un jeune…
Dans les années 1970, le chanteur Jean Ferrat, compagnon de route du Parti communiste français chantait, contre Giscard et la droite américanisée qui faisait son entrée en France : « mais dites-moi, mais dites-moi à quoi peut correspondre en notre temps; un jeune, un jeune Républicain indépendant. »
Le Parti libéral aujourd’hui cherche à faire sa mue. Or, il s’agit du même parti qui a tenté d’imposer, par la force littéralement, une hausse des frais de scolarité en 2012. Il s’agit de ce même parti mis en cause pour différentes histoires de malversation et de l’instigateur du Plan nord dont le but n’est que de brader nos ressources naturelles à des monopoles internationaux…
Aujourd’hui, il faudrait croire à un changement fondamental au sein de ce Parti… Pourtant, la jeunesse et la classe ouvrière n’oubliera jamais 2012 et l’historique anti-ouvrière comme anti-démocratique de ce Parti qui, en 1970, a fait marcher l’armée sur le Québec.
En fait, les Libéraux québécois se sont rendu compte que tergiverser sur la question nationale pour faire plaisir à certains électeurs du PQ et de la CAQ leur a couté cher. C’est Québec solidaire qui a ramassé la mise (la majorité des comtés gagnés lors des dernières élections ont été ravis au PLQ). Coquin de sort donc, le parti autrefois honni par Gabriel Nadeau-Dubois et celui qu’il dirige courtisent aujourd’hui le même électorat…
Le libéralisme de gauche affronte le libéralisme de droite!
Il reste qu’à l’issue de ce rassemblement, on peut adapter les vers caustiques de Ferrat et se demander : « mais dites-moi, mais dites-moi à quoi peut correspondre à notre époque; un jeune, un jeune Libéral au Québec. »
Et ça vaut pour le PLQ comme pour QS…