L’IVAC : le ministre Jolin-Barrette se vante d’une réforme sans substance réelle

L’IVAC : le ministre Jolin-Barrette se vante d’une réforme sans substance réelle


Manuel Johnson
redaction@journalclarte.ca
Clarté #55 – Janvier 2024


La Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) est adoptée en 1972, alors que le rapport de force du mouvement ouvrier pousse l’État à étendre la couverture des lois sociales. On peut considérer la loi sur l’IVAC comme une loi progressiste, car elle reconnaît implicitement la nature sociale du crime, ainsi que de la responsabilité de l’État de réparer les conséquences des crimes violents contre la personne.

Or, avec le temps, la loi sur l’IVAC devient de plus en plus désuète, car, le contexte social change. La loi n’est pas adaptée à des crimes contre la personne dont la société bourgeoise passe sous silence, notamment en matière de violence intrafamiliale et la violence contre les femmes. Les délais de réclamation sont courts, ce qui empêchent les victimes de violence conjugale et sexuelle, qui sont souvent réticentes à dénoncer leurs agresseurs, à être indemnisées. Certains crimes, comme le harcèlement criminel, sont exclus du régime d’indemnisation.

C’est ainsi que les groupes de défense de droits des femmes revendiquaient, depuis longtemps, une réforme en profondeur de la loi sur l’IVAC, pour qu’elle soit adaptée aux nouvelles réalités sociales.

Dans une tentative d’obfusquer son rôle comme comité exécutif du patronat et montrer une face plus « sociale », la CAQ adopte une réforme de l’IVAC le 13 octobre 2021, avec l’objectif affiché de « remettre les personnes victimes d’infractions criminelles au cœur du processus et de leur offrir l’accompagnement et le soutient dont elles ont besoin pour favoriser leur rétablissement et pour qu’elles puissent ainsi reprendre le cours de leur vie. »

Certes, il y a eu quelques gains dans cette réforme, mais ces gains sont les fruits de 30 ans de mobilisations des groupes de femmes, et ne sont pas un cadeau du gouvernement de la CAQ. Le délai de réclamation pour les victimes de violence intrafamiliale et sexuelle est aboli. Les infractions commises à l’étranger sont désormais indemnisables. La liste des infractions indemnisables est élargie pour inclure le harcèlement criminel.

Mais ces gains apparents en cachent de reculs importants et d’autres lacunes qui n’ont pas été réglées avec la réforme. Cela n’a pas empêché le Ministre Jolin-Barrette de se vanter, le 3 décembre dernier, les résultats de sa réforme, lors d’un événement soulignant les « 12 journées d’action contre la violence faites aux femmes. » Il a révélé que depuis la réforme, 28 500 demandes d’aide ont été acceptées, le double de qui était accepté avant la réforme, et que de ce nombre 4 000 demandes ont été acceptées pour des infractions qui n’étaient pas couvertes auparavant.

Ce que le ministre n’a pas dit est que, bien que le nombre de personnes indemnisé ait augmenté, le montant des indemnités accordées a drastiquement chuté. Car, un des éléments de la réforme était de convertir la rente viagère versée aux victimes en somme forfaitaire. Donc, au lieu de recevoir un montant mensuel jusqu’à la mort, les victimes reçoivent un montant unique, qui est considérablement moindre de ce qu’elles auraient reçu comme rente sur le cours de leurs vies. Ainsi, on aide plus de personnes, oui, mais en diluant considérablement cet aide.

De plus, malgré des promesses d’éliminer la pénalisation des victimes qui bénéficient des prestations d’aide sociale, qui voient leurs chèques coupés s’ils reçoivent des indemnités de l’IVAC, cette grande injustice perdure. Oui, les nouvelles victimes, qui reçoivent une somme forfaitaire en lieu de rente viagère, bénéficient désormais d’une exemption leur permettant de conserver dans un compte distinct les montants reçus pour pallier une perte d’intégrité physique ou psychique, jusqu’à la concurrence de 269 092$. Mais, cette exemption ne s’applique pas aux victimes ayant fait une réclamation avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2021. Les victimes déjà acceptées par l’IVAC continuent à recevoir une rente. Et cette rente est considérée comme un revenu par l’aide sociale, même si elle vise à pallier les conséquences des blessures physiques et psychiques des victimes. Autrement dit, le ministre a menti, quand il a promis d’éliminer cette injustice en 2021.

Communistes, nous savons que la meilleure façon d’éviter les conséquences néfastes des crimes contre la personne est d’en éliminer les causes. L’aliénation, le chômage, la crise du logement et l’insuffisance des services sociaux engendrées par le transfert massif du capital de la classe ouvrière vers la classe dominante créent de la déchéance sociale. Les racines de la violence contre les personnes se trouve dans l’exploitation qui caractérise la société capitaliste. Oui, bien entendu, une fois que le mal est fait est qu’une personne est blessée physiquement ou psychologiquement par la violence, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour l’aider à surmonter les conséquences du traumatisme. Et, l’IVAC, malgré les vantardises du ministre Jolin-Barrette, est loin d’en faire assez. Mais, ultimement, si nous voulons vraiment aider les victimes, il faut s’attaquer aux causes de la violence, qui se trouvent dans le système capitaliste lui-même.