L’insécurité alimentaire comme jauge de l’appauvrissement au Québec

L’insécurité alimentaire comme jauge de l’appauvrissement au Québec


Stéphane Doucet
Clarté – Novembre 2024


Dans un rapport publié le 4 décembre pour l’Observatoire québécois des inégalités (OQI), l’économiste Geoffroy Boucher a utilisé des données de Statistiques Canada pour analyser l’insécurité alimentaire des Québécois. Il en ressort notamment que l’insécurité alimentaire a augmenté de 50% dans la province en seulement 3 ans, entre 2019 et 2022. Ailleurs, on dit que le panier d’épicerie a augmenté de 30% dans les 4 dernières années.

L’augmentation de la précarité économique de la population québécoise n’est plus à démontrer. Il est tout de même intéressant de noter ce passage tiré de cette étude.

« Et c’est précisément chez les personnes faisant partie du troisième quintile de revenu, soit les personnes se trouvant au centre de la distribution de revenu et qu’on pourrait associer à “la classe moyenne”, que l’augmentation de l’insécurité alimentaire a été la plus marquée entre 2019 et 2022. (…) le niveau d’insécurité alimentaire est passé de 7,8 % à 17,4 %, soit une augmentation de 122 % (ou 9,6 points de pourcentage). En 2022, c’était 240 000 personnes de la “classe moyenne” qui se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire, dont environ 50 000 en situation d’insécurité alimentaire sévère. »

Si l’on adopte un langage plus précis que « classe moyenne », disons « couches moyennes » c’est-à-dire les travailleurs mieux rémunérés, les professionnels, les petits propriétaires, etc., on peut donc s’entendre sur ce à quoi nous sommes confrontés: la chute des revenus, la baisse des salaires, l’explosion du coût des biens de première nécessité, la hausse des taux d’intérêt qui gonflent les coûts liées aux dettes, etc. En bref, le coût de la vie augmente plus rapidement que les salaires.

Si l’insécurité alimentaire frappe plus durement les couches moyennes au Québec, elle n’épargne par les couches inférieures, bien évidemment. La réalité est bien plus « riche » que celle que relatent les schémas statistiques, et dans la population il n’y a pas de cordon sanitaire entre les différents quintiles de revenu. Il faut plutôt voir le tout dans son ensemble pour discerner les tendances plus globales.

Dans un reportage du 12 décembre à l’antenne de Radio-Canada, la professeure en science de la consommation Maryse Côté-Hamel a eu le culot de déclarer que l’inflation et sa couverture médiatique a eu comme effet « la démocratisation, dans une certaine mesure, de chercher des rabais » ! Ce n’est pas exactement le genre de « démocratisation » qu’on recherche, nous. Ce qui a été « démocratisé », c’est la baisse des salaires, évidemment.

Justement, à ce titre, l’insécurité alimentaire a augmenté de 50% de 2019 à 2022 pour les personnes avec un travail. Sur l’ensemble des personnes en insécurité alimentaire, 75% d’entre elles occupaient un emploi. En gros, les salaires au Québec ne fournissent pas un revenu suffisant pour se nourrir.

Ce qui se dégage est précisément ce que nous martelons au Parti communiste depuis des années: les salaires sont grugés par l’inflation, un processus dirigé par la classe dirigeante, alors que les profits augmentent à une vitesse inouïe. Dans une récente déclaration concernant le congé sur la TPS sur les produits alimentaires, le Parti relatait que « Cette législation n’est que du vent – un message qui expose en fait le manque d’intérêt – ou de préoccupation – du gouvernement et du Parlement pour les travailleurs dont les salaires ont baissé de 3,5 % en 2021-22, tandis que les bénéfices ont augmenté de 53 % pour atteindre le montant astronomique de 577 milliards de dollars (200 milliards de dollars de plus qu’en 2019). »

Finalement, à la base, l’insécurité alimentaire n’est autre que la combinaison d’un salaire trop bas et de prix trop élevés. Dans un contexte de capital monopoliste, la classe dirigeante a fait pression vers le bas sur les salaires, et a organisé la hausse des prix, le tout pour extraire plus de profits. Si cette situation prend de l’ampleur au Québec et au Canada, c’est parce que le pouvoir des monopoles est de plus en plus sauvage et criminel. Il n’y a pas de raccourcis pour remédier à la situation: ceux et celles qui en souffrent doivent s’unir et combattre ceux qui en bénéficient.