Négos en hôtellerie : un front solide

Négos en hôtellerie : un front solide


Maxime Bérubé
Clarté – Octobre 2024


En négociation depuis le mois d’avril 2024, les travailleurs.euses du secteur de l’hôtellerie font face à un défi de taille. Alors que les prix des hôtels ont explosé, la hausse effroyable du coût de la vie frappe les employé.e.s de plein fouet. Michel Valiquette, trésorier de la Fédération du commerce de la CSN et travailleur dans le secteur depuis plus de 38 ans, nous explique en entrevue comment ces syndicats tiennent tête au patronat et leurs offres dérisoires avec des négociations coordonnées.

Encadrés par la CSN, les 30 locaux qui représentent plus de 3500 salarié.e.s ont établi ensemble une liste de demandes à 7 points généraux tout en laissant la flexibilité aux syndicats de faire leurs propres demandes pour les particularités de leur lieu de travail. Tout d’abord, il y a évidemment les salaires : une augmentation de 36%, soit 15% dès 2024 avec 7% pour chacune des trois années suivantes. «À la dernière ronde de négociation en pleine pandémie, les travailleurs.euses avait accepté une augmentation de 8% sur 4 ans, c’était avant la hausse des prix à la consommation et pour donner un peu d’air aux hôteliers pour qu’ils puissent profiter d’une relance . . . celle-ci à eu lieu de façon étonnante, les prix des chambres ayant augmentées de façon vertigineuses. Les travailleurs.euses ont permis au hôteliers de faire fortune, mais eux de leur côté se sont appauvris. On considère que les hôtelier on une dette envers les travailleurs.euses et c’est en 2024 qu’ils vont la payer . . . Notre relance à nous, c’est maintenant», nous indique M.Valiquette.

Un autre point important pour les syndicats est la formation et la rétention du personnel. Les hôtels font peu d’efforts pour la rétention, se fiant à des agences de placement pour combler les manques et par le fait même réduire les conditions générales du travail. Les syndicats veulent mettre fin à cette pratique : «cette demande n’est pas contre les travailleurs de ces agences, qui sont souvent dans des situations précaires et même exploités. Ce que nous voulons, c’est qu’ils soient dans notre unité d’accréditation», ajoute Valiquette. En ce qui a trait à la formation, elle est en ce moment assurée par les employé.e.s sur le plancher alors que, selon Mr.Valiquette, elle devrait être fournit par l’employeur via des programmes de formations structurés : «Souvent les gens sont garrochés dans leur milieu de travail sans trop d’encadrement, donc au bout de 2-3 jours, ils quittent même lorsque les conditions de travail sont bonnes ». On cherche aussi à améliorer le régime des vacances, devançant la troisième semaine de vacances à la première année de service en plus d’une 7e semaine après 30 ans de service. Le régime d’assurance collective est aussi à revoir, une plus grande participation de l’employeur étant demandé. De plus, on veut développer un mécanisme permettant de mesurer de façon non arbitraire la charge de travail afin qu’elle soit adéquate. Le dernier point amené par M.Valiquette est à propos du pourboire. Les syndiqué.es veulent intégrer la loi 50 à leur convention, qui permet au employé.e.s de décider de la séparation des pourboires. Il y aurait du lobbying dans le secteur de la restauration contre cette loi, les patrons voulant se l’approprier et décider de comment le répartir. Intégrer la loi à la convention préviendrait les effets de l’abrogation de cette loi par un gouvernement proche du patronat. «Je salue la volonté des travailleurs.euses d’en faire des priorités, ils ont souvent plus à coeur le service et la fierté de leur hôtel . . . alors que pour l’employeur ce qui importe, c’est que le chiffre dans la colonne de droite soit vert, peu importe comment on y arrive».

Mais, évidemment, à ces demandes viennent de la résistance contre le patronat. Dès qu’elles touchent les poches de l’employeur, les choses s’enveniment et les propositions de ces derniers deviennent «une insulte et un manque de respect… les arguments ne suffisent plus». C’est alors que les 30 syndicats doivent prendre des mesures de pressions comme la grève, là est tout le pouvoir de la négociation coordonnée. Cette pratique remonte aux années 90 et continue d’évoluer, rejoignant de plus en plus de syndiqué.es qui y participent avec enthousiasme. «Les hôtels sont arrivées dans la CSN à la fin des années 70 / début 80, à l’époque tu ne faisais pas carrière en hôtellerie. C’était plus une job d’appoint. Il y avait un syndicat, mais c’était un syndicat américain qui s’acoquinait avec les employeurs, tu avais le salaire minimum plus 10¢ sans d’autre avantage». Une dizaine d’années plus tard, la coordination prenait forme : «On avait tous la même réalité, on avait tout à gagner à ce moment là car on partait de rien, donc si on s’entend sur des revendications communes ça va nous donner un bon rapport de forces et toutes les victoires sont là pour le prouver, tu peux maintenant faire carrière là-dedans . . . C’est un modèle souvent imiter, mais rarement égaler». Voici là un niveau d’organisation et de discipline exemplaire!