Hommage à Mehdi Amel
Hommage à Mehdi Amel
Jad Kabbanji
redaction@journalclarte.ca
Clarté #51 – Mai 2023
Il y a tout juste 36 ans, mourait sous les balles du fascisme islamiste, un intellectuel, un combattant, un résistant de la première heure: le philosophe du Parti communiste libanais, Hassan Hamdane plus connu sous son nom de plume et de guerre Mehdi Amel.
En 1987, alors qu’il a été fauché par une rafale de mitrailleuse, Hassan Hamdane combattait l’occupant israélien avec sa plume et sa tête. Il était le prototype de l’intellectuel engagé, comme il aimait si bien se définir. Engagé pour la libération de la nation libanaise de l’occupant extérieur, Israël, il luttait aussi contre l’occupant intérieur, le confessionnalisme politique. Il fut un des premiers à comprendre et à documenter la relation très étroite entre ces deux systèmes de domination qui se nourrissent : le confessionnalisme politique ne peut survivre que grâce à sa subordination à l’impérialisme et à son bras armé dans la région, Israël, tandis que l’occupation ne peut se perpétuer que grâce aux divisions confessionnelles qu’elle encourage.
Visionnaire, il l’était certainement. Il fut un des premiers intellectuels à mesurer la superficialité de l’ouvrage éminemment postmoderne (donc anti-moderne et réactionnaire) L’Orientalisme d’Édouard Said et à en faire la critique d’un point de vue matérialiste. Il fut ainsi un critique avantgardiste de la pensée postmoderne qui commençait tout juste à poindre le bout de son nez et qui accompagnera si bien l’ère néolibérale.
Comme le Chili fut le laboratoire des politiques économiques néolibérales dès 1973, le Liban fut le laboratoire du confessionnalisme dès les premières années de son indépendance dans les années 1940. Ce dernier mènera au multiculturalisme et au postmodernisme. À partir des années 1990, le pays cumulera et le néolibéralisme et la pensée postmoderne pour devenir le modèle de ce que les États-Uniens appelleront le Grand Moyen-orient. Mais ça, Mehdi Amel n’aura pas eu la chance de le voir de ses propres yeux. Finalement, si Israël n’a pas réussi ou osé l’éliminer, ce sont ses agents, il y a tout juste 36 ans, qui ont assassiné cette plume et cette voix libre du monde arabe.