Halte à l’économie de guerre !

Halte à l’économie de guerre !


Adrien Welsh
Clarté – Juillet 2024


Il y a quelques mois, le Commissaire européen Thierry Breton affirmait qu’il faut désormais “passer vers une économie de guerre”. Cet exorde traduit un état de fait : depuis plusieurs années, la classe dirigeante à travers le monde nous prépare à la guerre. Et il semble que sa préparation mentale à travers la démonisation de tout gouvernement, pays, peuple, État ou nation qui défie l’hégémonie impérialiste occidentale a porté fruit. Il ne s’agissait que d’une étape vers un bellicisme avoué, antichambre d’un conflit globalisé, voire d’une guerre mondiale.

La guerre entre l’OTAN et la Russie sur le territoire ukrainien de 2022 a servi de catalyseur permettant de rallier les pays impérialistes occidentaux et leurs alliés à franchir un cap vers un bellicisme exacerbé. Cette manoeuvre ne s’est pas limitée aux gouvernements, mais aussi aux oppositions, y compris dites de “gauche” qui n’ont pas hésité à se rallier, comme à l’aube de la 1e Guerre mondiale, à “leur” impérialisme dans l’espoir que sa victoire permettrait une certaine répartition des richesses pillées de la guerre faite aux autres. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le NPD n’a pas hésité à voter les crédits de guerre espérés par les Libéraux en échange de grapilles comme le plan dentaire, complètement incomplet du reste…

Quant au Bloc, il joue un jeu très dangereux. Il refuse de talonner le gouvernement sur cet aspect espérant faire partie lui aussi, de l’union sacrée et, de ce fait, rallier le mouvement national québécois non pas autour de son potentiel anti-monopoliste et anti-impérialiste, mais plutôt autour des intérêts des grandes entreprises et du Québec.inc.

Les dernières années ont été fastes pour le complexe militaro-industriel. Déjà, en 2017, le tandem Trudeau – Freeland annonçaient l’augmentation du budget militaire de 73% sur dix ans. Cette année, galvanisés par une “insécurité” dont ils sont responsables en tant que pays membres de l’alliance offensive et criminelle aux yeux du droit international qu’est l’OTAN, ces mêmes pantins du pouvoir des monopoles transnationaux poussent le bouchon au point de l’augmenter d’un 50% de plus afin de se rapprocher de la cible des 2% du PIB investis dans la guerre et la destruction. “Pas assez!” disent les “partenaires” de l’OTAN. Ils expriment même leur mécontentement à l’effet que le Canada représente le seul pays qui ne se soit pas doté d’un plan clair pour atteindre ce minimum qui représente 70 milliards $…

Pourtant, le Canada a déjà gaspillé 36,7 milliards l’an dernier au poste des dépenses militaires et parle de doubler ce nombre… En sus, notre gouvernement s’est déjà engagé à consacrer dans l’achat et l’entretien de navires et d’avions de chasse qui devrait se sommer, à terme, à 370 milliards de dollars! Et que dire des 8 milliards et plus d’armes et autre matériel envoyés à l’Ukraine plutôt que d’investir dans la diplomatie et pour un cessez-le-feu?

Le fait est que cette tendance est internationale. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 6,8% entre 2022 et 2023. Parmi elles, 55% sont attribuables à l’OTAN. Pendant ce temps, la croissance mondiale stagne autour de 3%, ce qui rappelle que la guerre devient de plus en plus une des seules marges de manoeuvre du capitalisme.

L’économie de guerre et l’inflation

Cette économie de guerre que vante M. Breton et les autres chantres de l’impérialisme occidental ne sert que les intérêts des grandes entreprises et des oligarques. Elle implique un détournement massif de deniers publics vers la production militaire – privée – et ce, dans deux sens : à la subvention comme à l’achat. Ces milliards de dollars et les forces productives sont jetées dans une industrie destructrice (et non productrice) qui, en plus, ne génère pratiquement aucun emploi induit.

En plus de s’attaquer aux secteurs productifs, ces investissements forcent également la main à une casse orchestrée des services publics. Ils sont également responsables en grande partie de l’inflation, puisque ce siphonnage orchestré de nos ressources doit, en régime capitaliste, peser sur les épaules de la classe ouvrière et des masses populaires. Car bien sûr, ce ne sont pas les monopoles qui financent les dépenses militaires. Au contraire, ils en profitent…

Un mélange explosif

Le contexte économique actuel est marqué par un ralentissement couplé à une hausse du protectionnisme (le nombre de sanctions commerciales ne cesse d’augmenter). La rhétorique – et les préparations – bellicistes se trament sur la rivalité exacerbée entre monopoles internationaux, ce qui ne peut que représenter un mélange explosif, d’autant plus que l’impérialisme occidental est des plus isolés.

Le simulacre de sommet pour la paix en Ukraine, sans la Russie, cherchait à réhabiliter Zelenski dans un contexte où la majorité des pays n’adhère pas à la vision manichéenne considérant Kiev comme simple victime. Or, personne ne l’a pris au sérieux, quoi qu’en disent les chancelleries occidentales. La Cour internationale de justice reconnait qu’un génocide a cours à Gaza, tandis que les rues du monde entiers arborent les couleurs palestiniennes, y compris dans des pays, comme ici, où les questions de solidarité internationale demeuraient latentes. En mer de Chine, les provocations des pays membres de l’AUKUS (que le Canada chercherait à rallier) et du QUAD sont globalement condamnées tandis que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest s’éloignent du schéma de la Françafrique.

C’est dans ce contexte que l’on constate la montée de l’extrême-droite en Europe et dans l’ensemble des pays impérialistes. Ces forces populistes ne cherchent pas seulement à instiller le racisme et une guerre civile au sein des masses populaires. Elles font également vrombir les tambours de guerre et se positionnent en défenseurs les plus zélés de l’impérialisme occidental. Au-delà du discours, leur esprit de caserne et leur nationalisme exacerbé ne cherche qu’une chose : rallier la population à l’entour des monopoles qui les exploitent et les jeter dans un charnier où, comme l’écrivait Paul-Vaillant Couturier : “deux armées qui s’affrontent, c’est une armée qui se suicide”. Évidemment, celle qui se suicide, c’est la classe ouvrière, armée dont le socialisme est la bataille ultime.

Alors que les rapaces de l’OTAN se réunissent en grande pompe et célèbrent leur 75e anniversaire de répressions antidémocratiques et antipopulaires, d’agressions et de guerres toutes plus meurtrières les unes que les autres, le journal Clarté, fier de son histoire, lutte pour le retrait immédiat du Canada de ce pacte de rapaces. Nous disons non seulement “non à l’économie de guerre”, mais aussi “non au système économique qui rend la guerre nécessaire”!