Vers une grève transfrontalière dans l’industrie automobile ?

Vers une grève transfrontalière dans l’industrie automobile ?


Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Clarté #53 – Septembre 2023


Les travailleurs automobiles du Big Three (Ford, Stellantis et GM) ont voté des mandats de grève conséquents des deux côtés de la frontière alors que leurs conventions collectives expirent le 18 septembre prochain. Au Canada ce sont 18 000 membres d’UNIFOR qui s’unissent à 150 000 membres des UAW aux États-Unis pour renforcer considérablement leur position face à ces puissants employeurs. Au Canada, les votes frôlent l’unanimité ( 98% à 99%) et laissent présager une véritable lutte entre ces travailleurs et les géants de l’automobile américaine.

Les questions des salaires, des pensions de retraite et de la sécurité d’emploi sont au coeur du litige. En effet, dans un contexte où les monopoles de l’automobile opèrent un virage vers les véhicules électriques, les ouvriers craignent que ces derniers ne profitent de l’introduction de cette nouvelle technologie (qui requiert moins de main-d’oeuvre sur les chaines de montage) pour imposer des mises à pied et ainsi faire pression à la baisse sur les conditions de travail. 

Il faut savoir qu’après 2008, en pleine crise financière, les travailleurs, qui étaient à l’époque avec les Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA-CAW), avaient consenti à d’importantes concessions salariales totalisant 900 millions de dollars sur 3 ans, alors que les compagnies se disaient en danger. GM a pourtant encaissé un profit de 20 milliards de dollars l’an dernier, Ford de 23 milliards, et Stellantis de presque 18 milliards. Notons aussi que les gouvernements canadiens, ontariens et québécois ont conclu des ententes pour fournir des subventions et prêts avantageux de jusqu’à 15 milliards pour Stellantis et 600 millions pour Ford.

Si cette grève devait être déclenchée, elle représenterait l’une des plus importantes batailles menées dans non seulement dans le secteur automobile, mais aussi dans l’industrie à valeur ajoutée depuis des décennies au Canada et sans doute aux États-Unis également, car l’objectif est de débrayer des deux côtés de la frontière en même temps. Compte tenu du caractère névralgique de la filière automobile, il ne fait aucun doute que cette grève se politisera très rapidement. Ainsi, son issue sera des plus importantes pour l’ensemble de la classe ouvrière.