Négos dans les CPE : la lutte continue!

Négos dans les CPE : la lutte continue!


Stéphane Doucet
Clarté – Juillet 2024


Les travailleuses et travailleurs de CPE de la province sont sans convention depuis maintenant plus d’un an. Leur négociation, à l’image du reste des négociations entre les employé-es des services publics et le gouvernement de la CAQ, piétine. Clarté s’est entretenu avec Stéphanie Vachon, Représentante du secteur des Centres de la Petite Enfance à la Fédération de la santé et des Services Sociaux-CSN (FSSS-CSN).

En 2021, au terme de 18 jours de grève, dont 8 en grève générale illimitée, les travailleuses de CPE se sont offert un nouveau contrat avec des grands gains. Selon Vachon, les principaux étaient salariaux, la récupération de 2 congés fériés qu’elles avaient perdus, et l’ajout d’heures pédagogiques et de planification pour différentes catégories d’emploi. Elles avaient notamment refusé de se laisser diviser: la CAQ à l’époque misait sur une différenciation des offres selon les titres d’emploi et essayait de casser l’unité en achetant le vote des éducatrices qualifiées au profit des équipes des cuisines, du ménage, et des éducatrices sans diplôme. Elles ont refusé.

Selon Vachon “les filles étaient vraiment très fières de s’être battues les unes pour les autres, d’avoir laissé personne derrière” et cette victoire a “marqué l’ensemble du mouvement syndical”. Par contre, elles avaient beaucoup sacrifié: pour elles, 18 jours c’est un mois de salaire à 4 jours/semaine. Ceci dit, l’entente est passée à 93% et “les gens pleuraient dans les assemblées”.

Force est de constater que le travail, et la lutte, continuent. Aujourd’hui, les demandes à la table de négociation sont dans la continuité de la dernière négo. De plus, quelques tendances nocives se sont exacerbées: l’inflation a rongé le rattrapage salarial de la dernière convention collective, la pénurie de personnel engendre plusieurs problèmes complexes dans le travail (départs, incapacité de former assez de relève, surcharge), et un nouvel encadrement législatif crée des pressions encore plus importantes pour les éducatrices.

C’est pourquoi les demandes portent sur 3 grands axes:

  • L’augmentation des salaires: le syndicat réclame une clause IPC conventionnée (Indice des prix à la consommation) en plus des augmentations pour contrer l’appauvrissement et réellement augmenter les salaires;
  • L’augmentation des heures pédagogiques pour les éducatrices, et des heures de gestion pour la cuisine;
  • L’augmentation des vacances et congés: permettre le transfert de l’ancienneté en matière de vacances pour les employé-es qui changent de CPE et augmenter le nombre de congés personnels dû à la difficulté du métier.

Cette lutte prend forme alors que le récent dépôt du Rapport de la vérificatrice générale du Québec à l’Assemblée nationale pour 2023-2024 dresse un portrait accablant des services de garde du Québec. Selon celui-ci, plus de la moitié des services de garde privés de la province n’atteignent pas les standards de qualité du Ministère de la Famille. Pour les CPE, ce chiffre est beaucoup plus bas, à 21%, mais a tout de même augmenté de 12% en 3 ans – une tendance qui inquiète même si elle ne surprend pas. Selon Stéphanie Vachon, pour ce qui est des garderies privées, la raison en est l’objectif de profitabilité qui les incite à maintenir des plus bas salaires, ce qui pousse les éducatrices formées vers les CPE et laisse les garderies privées avec une plus haute proportion de travailleuses non-formées qui offrent nécessairement un service de plus basse qualité.

Par contre, l’augmentation assez fulgurante de faillite aux standards du ministère, même dans les CPE, confirme à la fois la justesse des demandes salariales et d’organisation du travail des travailleuses, et la nécessité de donner un coup de barre dans le système des services de garde du Québec plus généralement. La population, et en particulier les femmes de la classe ouvrière, a besoin de services éducatifs à la petite enfance de qualité, donc plus de ressources pour la formation de la relève dans le secteur, nationaliser une grande majorité des services de garde privés, et augmenter de manière significative les salaires et les conditions de travail dans les CPE du Québec.

La lutte des travailleuses de CPE prendra sans doute de l’ampleur cet été, et pourrait facilement se diriger vers la grève comme il y a 3 ans. Selon Vachon, l’appui de la population en général a été décisif en 2021 et elle le sera sans aucun doute cette fois-ci. Legault et son conseil du trésor patronal veulent enraciner la tendance du déclin des services publics, de la privatisation et de l’appauvrissement de la classe ouvrière. À nous de faire les liens entre les organisations populaires et le mouvement syndical des CPE et encore une fois faire reculer le gouvernement de la CAQ.