Grève climatique : au-delà de l’illusion réformiste

Grève climatique : au-delà de l’illusion réformiste


Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #48 – Septembre 2022


À la lumière d’une série de « grèves » climatiques prévues le 23 septembre, il ne fait aucun doute que la question environnementale s’imposera de plus belle dans la campagne électorale – on l’a vu lors du dernier débat des Chefs où Legault a conclu en faisant de cet enjeu une de ses priorités.

Les rapports scientifiques, notamment ceux du GIEC, rappellent l’urgence d’agir contre les changements climatiques qui s’accélèrent de façon effrénée notamment au Canada. Pourtant la récupération de cet enjeu par les forces qui cherchent à l’instrumentaliser permettent à la social-démocratie et aux forces de collaboration de classe de faire peau neuve.

C’est notamment le cas de ceux qui brandissent la statistique selon laquelle il faudrait aujourd’hui « une Terre et trois-quarts » pour répondre à ce que « l’humanité consomme ». En effet, le 28 juillet dernier, « l’humanité » aurait consommé tout ce que peut produire la planète en un an.

Autrement dit, la défense de l’environnement serait une question de consommation individuelle. Les travailleur-euses forcés d’utiliser la voiture pour se rendre au travail à cause d’une combinaison de facteurs (absence de transports publics adéquats, spéculation immobilière qui les force à vivre au loin de leur lieu de travail notamment), ceux-là même qui ne peuvent consommer ni local ni « bio » parce que les prix sont prohibitifs ou encore que les seuls magasins à une proximité relative de leur domicile seraient responsables de la destruction de notre environnement?

Allons donc! Pour que tel soit le cas, il faudrait que les travailleur-euses consomment ce qu’ils produisent, qu’ils ne subissent pas l’aliénation capitaliste, qu’ils soient « privilégiés », comme le disent certains…

Les chiffres sont clairs : ce n’est pas « l’humanité » qui consomme plus que ce que la planète a à offrir, mais plutôt les profits capitalistes basés sur le surtravail et l’exploitation irrationnelle et effrénée de la nature qui sont à l’origine de la destruction de notre environnement. Ce n’est pas une question de consommation ni une question individuelle, mais plutôt une question de mode de production. En effet :

– Les 20% les plus riches du Canada s’accaparent 70% des richesses du pays;

– 100 entreprises sont responsables de 70% des GES à travers le monde;

– L’armée états-unienne à elle seule produit plus de GES que 140 pays;

– Le poste budgétaire qui émet le plus de CO2 au Canada est de loin la « défense nationale » qui en est responsable à hauteur de 59%.

Autrement dit, il est absolument possible pour les travailleur-euses d’améliorer leurs conditions de vie et de travail ici, voire même satisfaire encore plus de besoins sans exploiter notre environnement de façon effrénée et irrationnelle. Le GIEC lui-même affirme que le problème n’est pas d’ordre scientifique. Il est donc d’ordre systémique.

Ainsi, à ceux et celles qui pensent utiliser la question environnementale pour placer la classe ouvrière devant un faux-dilemme entre emploi et environnement, à ceux et celles qui cherchent à la culpabiliser parce qu’elle doit se procurer des biens d’équipement et la décrier comme « embourgeoisée », à ceux et celles qui inculquent à la jeunesse le concept de soi-disant « éco-anxiété » pour l’amener tranquillement vers un défaitisme réactionnaire; bref, à ceux et celles qui cherchent à essentialiser la lutte environnementale, nous disons : « chiche »!

Devant la crise environnementale comme devant toutes les crises du capitalisme, la lutte fondamentale est et demeure l’affrontement entre le capital et le travail!

C’est précisément pourquoi il y a lieu de s’inquiéter devant les prétendues grèves climatiques : au lieu de s’appuyer sur des luttes socio-économiques universelles et de les approfondir, il s’agit de pervertir le concept de grève politique et de l’assimiler à des mouvements inoffensifs pour le patronat. Faire grève pour le climat, c’est prendre nos vessies pour des lanternes. Si économique qu’elle soit, y compris dans les industries les plus polluantes, toute grève ouvrière fait plus pour le climat que n’importe quelle grève climatique puisqu’elle s’attaque au système même basé sur l’exploitation effrénée de la classe ouvrière et irrationnelle de l’environnement. Or, c’est justement ce lien que le patronat espère farder de vert avec les grèves climatiques.