Récession et appauvrissement pour la classe ouvrière, guerre pour les profits des actionnaires!

Politique économique de la Banque du Canada : récession et appauvrissement pour la classe ouvrière, guerre pour les profits des actionnaires!


Adrien Welsh
redaction@journalclarte.ca
Clarté #47 – Août 2022


Le 12 juillet dernier, la Banque du Canada procède à l’augmentation du taux directeur la plus importante depuis 24 ans, soit une hausse de 100 points qui le fixe à 2,50%. Selon tous les économistes, celle-ci excède toutes les expectations.

Selon ces mêmes économistes, il s’agit d’une parade nécessaire devant une inflation plus importante que prévu. Et c’est le cas. Il faut augmenter les taux d’intérêt généraux pour réduire l’emprunt et les dépenses pour faire baisser la demande afin de permettre un ré-équilibre du marché.

Tout ça fonctionne à merveille dans un schéma théorique, l’un où tous les acteurs économiques sont égaux. Or, pour que ce soit le cas, il faut que chacun consomme ce qu’il produit – nous vivrions donc sous le socialisme, ce qui, va sans dire, est loin d’être le cas.

Il y a donc une histoire parallèle à cette vision de l’économie où l’inflation n’est pas vue comme résultat de l’augmentation du salaire et de la consommation des travailleur-euses, mais de la course aux profits capitalistes.

L’inflation que nous connaissons (7,7% en taux annualisé) est le résultat strict du contrôle des monopoles sur les biens de première nécessité, y compris le logement. COVID ou non, guerre en Ukraine ou pas, au final, les grandes entreprises de distribution connaissent des profits mirobolants. C’est bien la preuve qu’elles ne subissent pas les conséquences des soubresauts de l’économie mondiale, mais qu’elles en profitent. Pis encore, bien souvent, ce sont elles qui fixent les prix.

Aux États-Unis, une inflation à plus de 9% induit une augmentation de la consommation globale en termes financiers. Ici, les dépenses mensuelles par détenteur de carte de crédit ont augmenté de 17,5% au Canada et de 18,4% au Québec. Ceci s’inscrit dans un contexte où l’émission de cartes de crédit a également crû de 31%, le tout en l’espace d’un an. La limite de crédit moyen accordée est la plus haute depuis 7 ans. Entre 35 et 40% des détenteurs de cartes de crédits sont incapables de payer leur solde en entier.

Pour les travailleur-euses, augmenter le taux directeur aura un effet dévastateur. Outre la hausse du taux directeur, ils seront aux prises avec celle du paiement minimum des cartes de crédit qui bondira annuellement d’un demi-point de pourcentage à partir d’aout prochain. Les années de pandémie font en sorte que l’endettement moyen par ménage passe de 170% à 180% et qu’en juin dernier, 20% des Canadien-nes avouent ne plus pouvoir payer leur hypothèque. Quant aux petits paysans, le prix des intrants a explosé de 50% depuis l’automne 2021 alors que les grands groupes de distribution s’accaparent le gros des profits dans l’agro-alimentaire. Les petites entreprises, de plus en plus subjuguées aux grands monopoles pour qui elles agissent en sous-traitants, verront leur accès au crédit compromis et se retrouveront sur la paille. Pour les étudiant-es, les dettes contractées aux institutions financières seront telles que l’accès à l’éducation se retrouvera compromis pour une grande partie de la jeunesse.

Les banques prétendent que la seule façon de juguler l’inflation est d’appauvrir la classe ouvrière quitte à s’engager dans une récession. C’est du moins le message qu’envoie la Banque centrale en augmentant son taux directeur. Pourtant, les mesures prises n’auront aucun impact sur la baisse des prix : on prévoit même que l’inflation continuera jusqu’en 2024!

Pourtant, des solutions existent, seulement celles-ci commandent de s’attaquer au pouvoir du capital financier notamment en contrôlant les prix des biens de première nécessité, en mettant sous contrôle public et démocratique les secteurs-clés de l’économie, les ressources naturelles, les moyens de distribution, d’échange et de communication. De même, la réindustrialisation et le retrait des accords de libre-échange sont de mise tant pour les travailleur-euses, les petits agriculteurs voire les petits entrepreneurs et épargnants.

D’autre part, l’augmentation des salaires et l’enrichissement de la classe ouvrière en général est la meilleure parade à l’inflation. Dans cette entreprise, le mouvement syndical est un acteur-clé dans la lutte pour de une hausse salariale conséquente qui aille au-delà du simple rattrapage en particulier dans les grandes industries et les services publics, soit là où leur action permet de faire tache d’huile notamment sur la hausse du salaire minimum. De façon concomitante, cette lutte qui s’articule au coeur de l’affrontement capital-travail doit être accompagnée par la création d’emplois syndiqués et bien rémunérés – la pénurie de main d’oeuvre que nous connaissons est orchestrée par le capital qui cherche à sous-traiter et court-circuiter les syndicats pour inoculer une « flexibilisation » de la main d’oeuvre.

Contrairement à ce qui est prétendu, ce ne sont pas des salaires plus élevés qui sont à l’origine de la hausse des prix : le pouvoir d’achat des salariés est beaucoup moindre que celui des capitalistes malgré leur nombre (les 20% les plus riches du Canada s’accaparent près de 70% des richesses du pays).

Au final les seuls à bénéficier d’une telle hausse du taux directeur sont les banques, les grandes entreprises et les marchands de guerre. Un taux d’intérêt plus élevé permet un meilleur rendement en bourse, soit une économie encore plus gonflée par rapport à sa valeur réelle. On pourrait même ajouter que les fluctuations des taux d’intérêt de la Banque du Canada sont intimement liés aux intérêts de l’impérialisme US-UE-OTAN puisque ce n’est que par la puissance des armes qu’il s’impose économiquement. Ce n’est pas par hasard que l’Euro est pratiquement passé sous le dollar dernièrement. En effet, avec une économie si financiarisée, donc improductive, le seul moyen de se maintenir à flot est de s’assurer du contrôle hégémonique du monde par « nos » monopoles de sorte qu’ils puissent continuer de spéculer à souhait, donc en renforçant les alliances militaires et en faisant tonner les tambours de guerre.