Grève à la BAnQ : pour des salaires justes et un service de qualité

Grève à la BAnQ : pour des salaires justes et un service de qualité


Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Février 2023


Les 350 empoyé-es de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), du Syndicat des travailleuses et travailleurs unis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (STTuBAnQ–CSN), se sont doté-es d’un mandat de grève – une banque de 10 jours – qu’ils et elles comptent exercer pour une première fois le 14 février. Les principales revendications sont économiques, en lien avec l’inflation et les salaires qui diminuent en conséquence. Effectivement, leur convention collective est échue depuis 2021, donc pas d’augmentation depuis. Leur patience est évidemment à bout.

Leur lutte se place dans un contexte plus large de coupes dans le réseau des bibliothèques publiques. Selon l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ) dans son premier Portrait national des bibliothèques publiques québécoises, notre réseau n’est qu’un autre secteur public victime du délaissement systémique de la part de la classe dirigeante. En effet, avec la note globale de 66%, le réseau est à court de personnel, de superficie, d’acquisitions, de places pour s’assoir et d’heures d’ouverture.

D’après Ève Lagacé, directrice générale de l’ABPQ, “On est présentement à 56% de la cible pour les employés à temps complet. Cette situation-là existait avant la situation actuelle de la crise du manque de main-d’œuvre; c’est vraiment une question d’investissements, un choix qui est fait pour offrir un service de qualité à nos citoyens.” Selon le portrait, il y aurait 1300 postes à temps complet à combler dans les bibliothèques publiques du Québec.

La tactique phare du capitalisme face aux services publics, ces derniers étant en soit une victoire pour la classe ouvrière en tant que salaire socialisé, c’est de couper le financement, dégrader les services, attendre la colère de la population et ensuite privatiser comme “solution” aux problèmes découlant du sous-financement.

“En plein contexte de rareté de main-d’œuvre et d’inflation, les budgets de BAnQ ne sont pas indexés, ce qui impose à l’institution un déficit constant qui augmente d’année en année et qui affecte directement ses opérations. BAnQ peine à garder ses salarié-es qui décident d’aller travailler ailleurs lorsqu’ils prennent connaissance des salaires versés dans des institutions semblables” rajoute Stéphanie Gratton, vice-présidente de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN).

Il faut dire que ce sous-financement n’est pas uniforme non plus: le simple fait d’ouvrir quelques bibliothèques par-ci par-là ne règle en rien les problèmes de recrutement et de rétention du personnel qui fait fonctionner les bibliothèques existantes! Comme le souligne Mme Lagacé: “Des dizaines de nouvelles bibliothèques inspirantes ont vu le jour un peu partout au Québec dans la dernière décennie, témoignant de la vitalité de leurs municipalités. Toutefois, il faut s’assurer que les investissements qui sont faits dans l’ensemble de nos bibliothèques soient de qualité, afin de fournir des collections riches et variées, des ressources humaines adéquatement formées, des heures d’ouverture étendues, des places assises suffisantes et une superficie adéquate. Il faut en prendre conscience pour améliorer continuellement les ressources mises à la disposition des bibliothèques publiques afin que celles-ci puissent répondre aux attentes des citoyennes et des citoyens.”

Il est utile de rappeler un peu d’histoire concernant les débuts des bibliothèques au Québec. Ça fait à peine cent ans qu’est apparue la première bibliothèque publique québécoise, la Bibliothèque de la Ville de Montréal, le 4 septembre 1917. L’immeuble, maintenant connu sous le nom d’édifice Gaston-Miron, est situé en face du Parc Lafontaine sur la rue Sherbrooke Est.

Le très jeune mouvement syndical québécois faisait la demande d’une bibliothèque depuis déjà des années, mais le clergé barrait la route au projet, craignant la présence éventuelle de livres qui iraient à l’encontre de l’idéologie cléricale (et capitaliste) dominante. La question de l’éducation des masses, incluant celle des femmes et des adultes, faisait partie de la plateforme politique des mouvements syndicaux dès leur fondation, et la fondation d’un système de bibliothèques accessibles à toutes et tous est un de ses premiers succès, après l’obtention des cours de nuit.

Les bibliothèques publiques ont une importance particulière pour les sans-abris, les immigrants, les parents de jeunes enfants, mais généralement pour n’importe quel membre de la classe ouvrière qui souhaite accéder à l’information. Les lieux publics non-commerciaux, les centres communautaires que sont les bibliothèques publiques méritent le soutien qu’on accorde aux autres services publics phares de la société québécoise tels les systèmes de santé et d’éducation. L’accès à l’auto-instruction, à un univers de lecture et de médias centralisé et ouvert sur le monde, ce sont des droits auxquels tous et toutes devraient avoir accès. Le combat du STTuBAnQ–CSN est donc celui de toute la population qui tient à ces droits durement acquis.