Le God Save the King entonné à Ottawa

Le God Save the King entonné à Ottawa


Adrien Welsh
Clarté #56 – Avril 2024


Le 10 avril dernier, le projet de loi C-347, porté par René Arsenault, député libéral de Madawaska, est rejeté à la Chambre des Communes par 197 voix contre 113 en faveur. En substance, dans la foulée du succès du Parti québécois à l’Assemblée nationale, il cherche à rendre optionnel le serment à la monarchie britannique pour tout élu.

Devant cette proposition, le gouvernement se prononce contre et enjoint les ministres libéraux à voter contre, mais laisse le choix libre au reste de son caucus. Même s’il vote contre la motion, Poilièvre n’impose pas de consigne de vote à ses troupes. En effet, outre le NPD, le Bloc, le Parti vert qui, unanimement votent en faveur de la motion, 17 conservateurs (les élus Québécois), 38 Libéraux et 1 indépendant suivent le pas.

De façon excessivement troublante cependant, une fois les résultats annoncés, certains députés entonnent God Save the King, l’hymne de la monarchie britannique dans une provocation clairement digne des années 1960 alors que des groupes tels que le Ku-Klux-Klan cherchaient à s’en prendre non seulement aux syndicalistes, communistes, socialistes, démocrates, etc; mais aussi aux Québécois.

Sans trop ergoter au sujet de l’hymne en tant que tel, il convient de rappeler que c’est celui que l’on chante aux Malouines occupées et que les loyalistes de l’Irlande occupée ont entonné à la mort de Bobby Sands. Certainement que c’est également ce chant qui a rallié, en 1849, les incendiaires du Parlement du Canada Uni mobilisés par The Gazette à la suite d’une amnistie en faveur des Patriotes. Rien que ça!

Que le serment à la monarchie roast beef doive être aboli ne fait aucun doute, comme tout lien qui l’unit au Canada d’ailleurs – incluant le poste de Gouverneur général. Ce serait faire honte aux « MacPap’s » qui ont combattu pour la République et la démocratie espagnoles que de ne pas exiger une république démocratique canadienne!

Or, cet incident dénote qu’encore aujourd’hui, une part non négligeable de la classe dirigeante s’accroche au symbole de la monarchie britannique comme garant de l’unité canadienne. Il ne fait aucun doute que cette unité est dirigée contre le Québec et les autres nations peuplant le Canada, de la même façon que l’unité autour de la couronne des Bourbons en Espagne sert de symbole servant à occulter la question nationale dans le but de coaliser la classe dirigeante. Pourtant, on constate également que même les rangs de la force politique la plus réactionnaire représentée à Ottawa, le Parti conservateur, n’est pas unanime sur cette question.

Il est donc certain que tant qu’il s’agit de symboles, la classe dirigeante se sent prête à accepter différentes concessions. C’est ainsi, notamment, qu’un pays comme la Barbade s’est débarrassé du poste de Gouverneur Général qu’elle a converti en Président sans pour autant opérer de changement fondamental.

Or, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de changements symboliques ou cosmétiques consensuels. Nous devons mettre de l’avant, y compris en matière de démocratie, des politiques de rupture avec le pouvoir des monopoles qui se satisfait de la Constitution canadienne actuelle qui refuse de reconnaitre le caractère multinational du pays en premier lieu.

Or, tant ceux qui entonnent le God Save the King que ceux qui ont voté en faveur de la motion du député Arsenault, au final, refusent de s’engager vers une nouvelle constitution canadienne…