Gabriel Nadeau-Dubois quitte QS : ni bon, ni mauvais débarras
Gabriel Nadeau-Dubois quitte QS : ni bon, ni mauvais débarras
Adrien Welsh
Clarté – Mai 2025

La plupart des militants de Québec solidaire ont vécu la démission de Gabriel Nadeau-Dubois comme l’apogée d’une onde de choc incluant la défaite cuisante lors de la partielle de Terrebonne, les récentes défections d’Émilise Lessard-Therrien et de Catherine Dorion, sans compter la difficulté du parti de percer électoralement.
Rien ne sert d’ampouler les différentes théories autour de sa démission, une certaine pudeur quant aux raisons qui l’ont poussé à se retirer de la vie politique s’impose. Pour autant, il n’en demeure pas moins que la démission d’un dirigeant politique qui se voyait comme principal contradicteur de François Legault implique une véritable réflexion que les membres de Québec solidaire auront à débattre.
Certainement, GND laisse un parti différent de celui qu’il a intégré en 2017. Faut-il rappeler que son adhésion à Québec solidaire, il l’a monnayée au prix de l’union entre QS et le groupuscule nationaliste Option nationale en décembre 2017 et ce, selon les doléances de ce dernier. C’est ainsi que le progrès social s’est estompé devant le nationalisme, façon dérobée d’ancrer encore plus le parti dans l’accompagnement des monopoles et l’éloigner des politiques de rupture avec leur pouvoir.
Cheville ouvrière de cette réingénierie pragmatiste du parti, Gabriel Nadeau-Dubois a cherché à faire de QS un parti de « gouvernement ».
Dans un premier temps, il s’est assuré d’expugner une co-porte-parole non-élue. Ensuite, prenant acte d’une « tournée des régions », il édicte la Déclaration de Saguenay qui, entre autres, abandonne certaines politiques audacieuses et anti-monopolistes comme la nationalisation de l’industrie forestière par pragmatisme. Enfin, au troisième acte, il impose de nouveaux statuts qui libèrent l’aile parlementaire d’une grande partie du contrôle – minime – qu’exerçaient les membres militants sur le parti.
Bref, sous sa co-responsabilité, Québec solidaire s’est transformé en NPD-Québec. Pour autant, la manœuvre a échoué : les intentions de vote stagnent, voire baissent. Clairement, le parti devient un boulet plutôt qu’un propulseur de ses ambitions politiques…
Dans la foulée de son départ, Ruba Gazal s’est empressée de s’imposer en chef de coterie. Elle n’a pas hésité à prononcer un discours aux accents autocritiques du Parti, affirmant que la « boussole » de QS (les travailleurs) aurait été délaissée au cours des dernières années.
Profitant du Premier mai, les nonces du Parti publient un manifeste pour un « Québec solidaire de ses travailleuses et travailleurs. » Ce texte d’à peine 1500 mots, sans mordant ni audace, appelle à « réparer » le modèle québécois. Aucune remise en question du capitalisme, mais plutôt le retour à un mythique modèle québécois. Même le « système » en soi est épargné : c’est le système « dans sa forme actuelle », sous-entendu après 7 ans de gouvernement de la CAQ. Les demandes formulées, souvent vagues, peinent à rompre avec le pouvoir des monopoles : on y propose un salaire minimum à 20$ l’heure alors qu’un salaire viable devrait se situer à 28$. Les prix des biens de première nécessité ne seront pas plafonnés ni contrôlés, mais simplement détaxés… Pour un parti qui se prétend être le seul à défendre les travailleurs, l’absence de référence aux libertés syndicales (outre une timide incursion à l’effet d’enchâsser le droit de grève dans la Charte des droits et libertés, une mesure plutôt cosmétique) trahit la véritable intention de ce « manifeste ».
Loin de représenter un coup de timon à gauche, la vocation de ce texte est tout aussi opportuniste que la Déclaration de Saguenay adoptée l’an dernier. Même tactique clientéliste, nouvelle clientèle dans l’espoir de garrotter l’hémorragie des appuis au parti à peine plus d’un an avant les prochaines élections québécoises. La débâcle du NPD aux dernières élections fédérales a sans doute impulsé la manœuvre aussi grossière qu’inutile.
En effet, la classe ouvrière et sa confiance envers un parti politique ne s’acquiert pas à coup d’appels ni de déclarations. Les photos de députés aux marches du 1er mai n’y font rien, pas plus que les rodomontades parlementaires autour d’une CAQ qui taxe QS d’extrémiste à cause d’un impôt sur les grandes fortunes… C’est au militantisme quotidien et organisé, à l’ancrage dans les syndicats et aux luttes sociales, en prouvant par l’action qu’il est du même côté des barricades qu’eux que les travailleurs et la classe ouvrière octroieront leur confiance à un parti politique.
Or, Québec solidaire parle aujourd’hui des travailleurs – avec une guerre de retard, ce qui pue la récupération politique, voire le mépris envers la classe ouvrière. Hier, il parlait des régions. Parions que le 24 juin, la nouvelle « ligne de conduite » tournera autour de l’indépendance. Comment prendre au sérieux un tel parti qui change de stratégie selon la rose des vents politiques du moment?
Certes, cette relève de la garde social-démocrate arrive à point nommé pour tenter de faire amende honorable. Mais il n’est pas question d’occulter le fait que depuis une décennie, Québec solidaire se confirme et se conforte en tant que parti d’accompagnement des monopoles. Imputer la responsabilité d’une telle mutation à GND reviendrait à lui donner trop d’importance. Il a été à la fois le produit et l’instrument qui a permis à Québec solidaire de suivre la même voie que tous les partis sociaux-démocrates : celle de la collaboration de classe plutôt que de la confrontation entre le travail et le capital.
En ce sens, son départ ne représente ni un bon, ni un mauvais débarras.