Pour les salaires, pour le travail et pour les services publics : intensifions la lutte du Front commun!

Pour les salaires, pour le travail et pour les services publics : intensifions la lutte du Front commun!


Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Clarté #54 – Novembre 2023


Ce numéro de Clarté est imprimé alors que le Front commun déclenche sa première grève le 6, puis trois jours du 21 au 23. La FIQ va enchaîner les 8 et 9 novembre tandis que la FAE prévoit débrayer le 23. Le FC et la FIQ bénéficient tous les deux de votes de grève à 95% sur lesquels s’appuyer. Force est de constater que la grève du 6 novembre a été tenue sous le signe du militantisme, de l’organisation et de la mobilisation. Il s’agit maintenant de poursuivre dans cette voie.

Dans sa déclaration du 22 septembre 2023, le Parti Communiste du Québec affirmait: “[…] l’idée d’augmenter les salaires et de permettre ne serait-ce qu’un maigre rattrapage salarial – bien loin de ce qui serait nécessaire pour opérer un début d’enrichissement de la classe ouvrière – est incompatible avec le mandat pour lequel [Legault ] a été mis en place par le patronat. En effet, permettre de meilleurs salaires pour les fonctionnaires ferait tache d’huile dans les autres secteurs.” Il faudrait aussi rajouter que le renforcement desdits services publics irait aussi à l’encontre de leur projet de privatisation mené en parallèle de la négociation du secteur public avec leur PL15. Le PL 23 (éducation) dont le but est également de centraliser pour mieux privatiser.

Les travailleuses et travailleurs du secteur public québécois sont donc – s’ils et elles le souhaitent et s’y mettent – en lutte pour la défense du pouvoir d’achat de la classe ouvrière en général, de la défense des services publics pour toute la population, et nous ajouterions également d’une lutte qui donnera le ton pour l’affrontement entre le capital et le travail pour des années à venir. Ceci n’est pas une lutte isolée au Québec: les premiers ministres du reste du pays surveillent de près ce qui se dessine ici, craignant le pire, mais se léchant les babines en voyant l’agressivité du gouvernement Legault. Ce n’est pas un hasard si le 6 novembre, la Fédération du travail de l’Ontario a convoqué un rassemblement de solidarité à Toronto. Le Front commun a même été remarqué par la fédération syndicale du PAME en Grèce lors de la manifestation du 23 septembre. La lutte des classes n’est jamais un phénomène isolé!

Quelques tendances sont à surveiller: d’un côté les votes de grève à 95% sont historiques en soi. De l’autre, certains semblent parfois entretenir un discours qui traiterait ce mandat surtout comme outil de négociation plutôt qu’un mandat d’affrontement, de colère et de détermination: c’est le cas d’Éric Gingras, président de la CSQ, qui annonce à RDI le 17 octobre que “C’est pas parce qu’on a eu ce mandat fort là qu’on veut exercer cette grève-là”. 

De l’autre côté, tel que mentionné dans le dernier rapport politique du Comité national du PCQ du 29 octobre: “[…] il ne s’agit pas d’espérer un « front commun Potemkine », encore moins un « front commun Aurore » comme l’espèrent certains gauchistes. Même espérer un élan extraordinaire comme celui de 1972 serait illusoire. Les conditions ne sont tout simplement pas réunies. Il n’en demeure pas moins que cette mobilisation est historique. On peut donc espérer que les 420 000 grévistes agissent en opposition non-officielle à la CAQ, mais surtout en opposition officielle au patronat et au pouvoir des monopoles. Pour déjouer la stratégie du capital, les conditions sont bel et bien réunies.”

Alors, où en sommes-nous? La situation peut changer d’un instant à l’autre, les pronostics sont peu utiles à ce stade-ci. Mais peu importe, quelques principes sont à apprécier: le travail de la gauche au sein du mouvement ouvrier – élu-es, cadres, base, salarié-es – doit accentuer le caractère politique de la lutte économique, doit mobiliser sans relâche pour que les syndicats et leurs membres soient gagné-es à la lutte, doit rapprocher le mouvement syndical des mouvements progressistes et démocratiques pour travailler à la formation à long terme d’un front anti-monopoliste contre toutes les politiques patronales.

On peut également voir se profiler une réponse agressive du gouvernement Legault à cette mobilisation. Le recours à une loi spéciale n’est pas exclu. On sait aussi que ce même gouvernement usera de son arme préférée : les médias monopolistes pour prendre à parti la population et tenter de diviser le Front commun. Nous ne sommes pas désarmés devant cette situation, mais il faut se saisir de nos armes les plus puissantes : la force du nombre et le potentiel de l’organisation avec l’unité comme ferment. Dans les prochaines semaines, il nous faudra donc redoubler d’efforts dans nos syndicats pour dynamiser la lutte et affermir l’unité du mouvement syndical. Sur nos lieux d’études et dans nos quartiers, il faudra s’organiser en solidarité avec les 420 000 salarié-es en lutte contre un seul et même employeur.

Avec le Front Commun, la classe ouvrière s’est encore une fois dotée d’un outil des plus forts et politiques présentement à leur portée. Maintenant, qu’on y soit membre syndiqué-e ou non, toute personne de bonne conscience doit travailler à son développement, selon ses propres moyens. D’autres luttes suivront celle-ci, mais il ne fait aucun doute que le sort du Front Commun aura un impact – positif en cas de victoire, négatif en cas de défaite – sur le mouvement ouvrier et la classe ouvrière pour des années à venir. C’est le moment de rentrer dans l’arène et y mettre un sacré shift!