Port de Québec : Entrevue avec Stéphan Arsenault du SCFP 2614

Port de Québec : Entrevue avec Stéphan Arsenault du SCFP 2614


Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Clarté #51 – Avril 2023


Lock-outé depuis maintenant plus de 6 mois par la Société des Arrimeurs de Québec (SAQ), Stéphan Arsenault, le président du syndicat des débardeurs de Québec (SCFP 2614) s’est entretenu avec Clarté sur les enjeux du conflit.

Ce qu’il faut savoir: au mois d’août 2022, les débardeurs du Port de Québec, une équipe de 81 travailleurs, avec une convention collective échue depuis le mois de mai, se dote d’un mandat de grève générale illimitée à 98,5%. C’est 2 semaines plus tard que la SAQ déclenche le lock-out.

L’employeur insiste : ils doivent accepter des nouveaux quarts de 12 heures plutôt que les 8h jusque-là conventionnés. De plus, il continue d’exiger que les débardeurs soient disponibles à 24h d’avance, 7 jours sur 7 à l’année longue. C’est notamment dû à ces horaires que l’employeur n’arrive pas à retenir ses nouvelles embauches et qu’il fait porter le fardeau sur ses employés « séniors ». .

Selon le président Arsenault, ces horaires mènent à des problèmes liés à la conciliation travail-famille: divorces, dépressions, voire suicides.

« C’est des entreprises qui sont très riches. L’arrimage, c’est un des domaines mondiaux, sinon le domaine, où elles passent le plus d’argent, où c’est le plus payant. » Dit-il. « Des compagnies milliardaires, protégées par des lois qui permettent notamment des briseurs de grèves, amènent un combat inégal. L’employeur, lui, continue à pouvoir exploiter alors que nous, on se retrouve à la rue tout simplement! »

D’où l’importance d’une loi fédérale anti-scabs. « Je l’entendais cette demande-là il y a 25 ans mais là, il est plus que temps. Le conflit serait terminé il y a fort longtemps ne serait-ce que de ça. » Effectivement, les affaires tournent au Port de Québec. Ses travailleurs, pourtant, sont menacés par la police aux portes alors qu’ils assurent leur piquet.

Il faut savoir que la loi québécoise anti-scabs de 1977 ne survient pas de nulle part. Elle résulte d’années de conflits extrêmement violents, notamment à la United Aircraft (aujourd’hui Pratt & Whitney) à Longueil, ou alors quelques semaines avant son adoption lorsque des agents de sécurité de la compagnie Robin Hood tirent sur une foule, atteignant 8 grévistes. Présentement, les appels des grandes centrales pour une loi fédérale tombent dans le vide de politiciens qui détiennent le pouvoir d’améliorer le sort des travailleurs et travailleuses sous juridiction fédérale, mais ne font rien pour avancer le dossier. On en est encore au stade de « consultation » et le Conseil du patronat le dénonce déjà.

Arsenault nous rappelle toutefois les vrais enjeux: « Nos demandes – oui, il y a du monétaire parce que tout coûte plus cher plus vite – mais à la base, elles sont vraiment pour changer et pour permettre à nos gens de vivre et de continuer à vivre. Et je pense que ce pays a besoin de revenir à ses travailleurs, à son monde, au lieu de privilégier des entreprises milliardaires qui peuvent se permettre ces conflits-là sans problème, se permettre de faire marcher des gens à genoux parce qu’ils sont très riches en plus d’être protégées par la loi. »

Les mouvements syndicaux canadien et québécois doivent continuer de lutter pour une loi fédérale anti-scabs, mais pour ce faire, ça va prendre plus que des déclarations et du lobby! Le mouvement ouvrier en entier doit augmenter la pression à tous les niveaux, réinvestir avec la politique, indépendamment des partis politiques mais bien sur la base des intérêts de la classe ouvrière. C’est cette force indépendante qui a donné lieu à la loi québécoise des année 1970 et c’est cette même force qui pourra nous la donner au fédéral. La lutte des débardeurs nous démontre son importance mais nous montre également la force de l’unité qui se tient debout: classe contre classe.