La grève s’éternise dans le plus grand cimetière d’Amérique du Nord
La grève s’éternise dans le plus grand cimetière d’Amérique du Nord
Stéphane Doucet
redaction@journalclarte.ca
Clarté #51 – Avril 2023
Le cimetière Notre-Dame, situé sur le mont Royal à Montréal, est le lieu d’une importante grève qui a commencé à l’automne dernier. Les employés de bureau (CSN) ont décidé de faire grève le 20 septembre dernier après un vote unanime de leur syndicat (GGI), car leur convention collective est échue depuis décembre 2017. Les employés des opérations (CSN) ont rejoint la grève le 12 janvier suivant, car leur propre convention collective avait expiré en décembre 2018.
La direction du cimetière s’est montrée intransigeante vis-à-vis des grévistes. Selon Patrick Chartrand, président du syndicat des employés des opérations (« bleus ») « c’est le même mépris pour chacun des syndicats : gel salarial, détruire notre plancher d’emploi, réduire les semaines garanties pour les emplois saisonniers, augmentation des primes d’assurances, augmentation de la prime du fonds de pension. On veut juste conserver nos acquis et bien sûr on veut des augmentations salariales. »
Il convient de rappeler que les employés des opérations (« bleus ») ont connu un lockout lors des négociations précédentes en 2007, ce qui a abouti à la signature d’un contrat de 11 ans, jusqu’en 2018. Dès 2011, ils ont commencé à préparer la prochaine ronde de négociations en mettant en place un fonds de prévoyance pour faire face à une possible grève difficile. En effet, il est important de souligner qu’à l’époque de la signature de leur dernière convention, ils étaient 134 employés, mais ils ne sont plus que 90 aujourd’hui, tout en assumant la même charge de travail voire plus. Les employés de bureau (« blancs ») ont également connu une diminution de leur effectif, passant de 25 à 14 depuis leur dernière convention en 2015, avec des départs liés à la dépression ou la maladie, selon leur président Éric Dufault.
L’employeur intransigeant qui est en conflit avec les travailleurs du cimetière Notre-Dame, le plus grand cimetière d’Amérique du Nord, est en fait « La Fabrique de la paroisse Notre-Dame », qui est gérée par l’Église catholique à travers plusieurs niveaux de gestion. La Fabrique est une organisation à but non lucratif dont le directeur général est nommé par le conseil d’administration présidé par le prêtre Miguel Castellanos, nommé par les frères Sulpiciens. C’est donc une structure complexe pour une organisation sans but lucratif. Selon Éric Dufault, cela relève en fin de compte de l’Église catholique.
Selon La Fabrique, la réduction des conditions de travail et de rémunération des travailleurs du cimetière est due à un manque d’argent. Chartrand : « On ne veut pas ouvrir nos livres, mais croyez-nous sur parole! ». Pourtant, les syndicalistes soulignent que La Fabrique engage les plus grandes entreprises de communication, de santé et de sécurité, ainsi que des avocats de premier plan au pays. La Fabrique travaille avec la firme d’avocats Lavery De Billy, et depuis 2019, les relations avec les travailleurs ont été judiciarisées au plus haut niveau. Les syndicalistes ont des doutes quant à l’affirmation de La Fabrique selon laquelle elle n’a pas d’argent pour répondre aux demandes des travailleurs. Patrick Chartrand, président du syndicat des opérations, a déclaré : « Quelqu’un qui a des problèmes financiers ne paie pas ces gens-là », faisant référence aux avocats de Lavery De Billy. Éric Dufault, président du syndicat des employés de bureau, a ajouté : « C’est spécial de se faire dire par la meilleure avocate au Canada : Ma cliente n’a pas d’argent ».
C’est désolant de constater qu’un soi-disant organisme à but non lucratif se cache derrière des avocats pour essayer de restreindre les conditions de travail et de rémunération d’une centaine de travailleurs qui ne demandent pas la lune. Il semble que la charité catholique ne s’étende pas jusqu’à ses propres employés! Heureusement, la classe ouvrière ne dépend pas de la charité, mais de son organisation. Nous souhaitons force et solidarité aux grévistes du cimetière Notre-Dame.