Le combat pour la paix au Québec : Le Conseil québécois de la paix
Le combat pour la paix au Québec : Le Conseil québécois de la paix
Jad Kabbanji
Mouvement québécois pour la Paix
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Clarté #50 – Mars 2023
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Les années 1970 et 1980 sont marquées par une offensive de l’impérialisme au niveau international qui se manifeste par une recrudescence des tensions et le réchauffement de la guerre froide. D’une part, les coups d’État et les régimes répressifs se succèdent surtout en Amérique latine, bloquant toute possibilité de changement social, et d’autre part, la course aux armements et la menace nucléaire et plus présente que jamais.
Au Québec, la résistance s’organise face aux menaces pour la paix mondiale et pour venir en aide aux peuples victimes de dictatures sanglantes au service de l’impérialisme états-unien. Cette résistance à un nom : le Conseil québécois de la paix fondé en mars 1974 à Montréal.
C’est au cours de la fin de semaine du 14 mars 1974 que le Comité Moratoire du Vietnam, celui-là même qui fut parmi les principales organisations de la Conférence hémisphérique pour mettre fin à la guerre du Vietnam, change de nom pour devenir Le Conseil québécois de la paix. À cette occasion, un comité directeur de 24 membres représentant les principaux partis de gauche et syndicats fut élu. C’est un ainsi qu’on retrouve en son sein, des représentants et représentantes de la CEQ, de la FTQ, de la CSN, du PQ, du NPD et du Parti communiste du Québec. Son président est Édouard Martin Sloan, le principal organisateur de la Conférence hémisphérique, 6 ans plutôt.
La Solidarité n’a pas de frontière
Dès sa création, le Conseil québécois de la paix (CQP) fait de la solidarité avec les luttes populaires contre les dictatures réactionnaires et les interventions états-uniennes un des principaux axes de son combat. Le soutien à la lutte du peuple du peuple vietnamien pour son autodétermination demeure jusqu’en 1975, le principal engagement du CQP. Après cette date, il organise des dizaines de conférences, de manifestations, de signatures de pétitions. Parmi ces différentes campagnes organisées par le CQP une retient notre attention, la campagne pour soutenir le peuple sud-africain dans sa lutte contre le régime d’apartheid.
C’est en mars 1975 que le CQP parraine avec d’autres organisations la tournée d’information au Canada du dirigent communiste sud-africain et vice-président du Congrès national africain, Yusuf Mohamed Dadoo et du syndicaliste et membre de l’exécutif du Congrès national africain, John Taolo Gaetsewe. Un an plus tard, du 24 au 28 mai 1976, le CQP participe au Séminaire international sur l’élimination de l’apartheid et en faveur de la lutte de libération sud-africaine à la Havane. Et dans la foulée, il milite activement pour l’exclusion de l’Afrique du Sud des Olympiques de 1976 qui se déroulent cette même année à Montréal. Deux ans plus tard, en octobre 1978, le CQP organisera une exposition de peintures, de photographies et d’affiches rendant ainsi hommage aux dizaines de milliers de prisonniers et prisonnières politiques sud-africains.
Une campagne de solidarité similaire sera organisée par le CQP durant la même période et qui se rapporte au Chili. Dès l’année de sa création, le CQP est au côté des exilés chiliens et manifeste son soutien à la démocratie assassinée au Chili par Pinochet. Chaque année jusqu’à la fin des années 1980, il participera et organisera des dizaines d’événements dénonçant la répression au Chili et exprimera son plein soutien à la résistance héroïque des femmes et des hommes qui tentent de faire bouger les choses tant dans l’exil que dans ce pays andin.
Désarmement et paix
La bataille pour le retrait du Canada de l’OTAN et pour un véritable désarment est l’autre axe d’intervention du CQP. Vers la fin des années 1970, l’agressivité des États-Unis et de son bras armé à l’international, l’OTAN, se fait de plus en plus ressentir. Pour répondre à ce danger, le CQP organise en 1978, une conférence sur le désarmement à laquelle, participe 200 personnes, représentant différentes organisations québécoises et qui sera inaugurée par Romesh Chandra, président du Conseil Mondial de la paix. Cette conférence marque le début de la grande campagne pour la paix et le désarmement.
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Un an plus tard, c’est un rallye cycliste en faveur du désarmement qui est organisé à travers le Québec. Les villes de Granby, Sherbrooke, Trois-Rivières, Sorel Joliette et Saint Jérôme seront des étapes parmi tant d’autres de ce rallye pour le désarmement. L’objectif politique étant de ramasser le plus possible de signature pour une pétition réclamant une halte à la course aux armements et pour la paix et qui sera présentée à l’ONU au nom du CQP. Le succès de cette estafette, à laquelle a participé une cinquantaine de cyclistes, poussa les organisateurs à rééditer cette expérience un an plus tard, à l’été 1980.
Ces différents événements ont permis, petit à petit, de mobiliser des milliers de personnes éprises de paix alors que dans les années 1980, le nouveau président états-unien, Ronald Reagan, devient la principale menace à la paix. Avec sa « guerre des étoiles », Reagan favorise la course à l’armement et tente de rallier le Canada à sa nouvelle croisade. C’est pour s’opposer à cette vision belliciste des relations internationales et pour s’opposer à la participation du Canada à cette entreprise états-unienne que le CQP coorganise une des plus grandes manifestations de l’histoire du Québec : la Grande marche pour la paix du 22 octobre 1983.
Le comité organisateur de cette manifestation qui se déroule simultanément dans plus d’une cinquantaine de villes Canadiennes, dont une dizaine de municipalités québécoises expose ainsi ses doléances : « Nous favorisons la négociation et le partage collectif comme base des rapports entre les nations. Nous exigeons des politiques visant à ce que nos ressources, présentement utilisées à accumuler des armes aussi dangereuses qu’inutiles pour l’humanité, soient plutôt employées pour créer des emplois permanents et utiles, pour déraciner la pauvreté, la faim, la maladie, l’analphabétisme, le sous-développement. »
La Grande marche pour la paix aura rassemblé près de 35 000 personnes dans tout le Québec. Le succès de cette manifestation ne sera renouvelé que 20 ans plus tard à l’occasion de la grande mobilisation contre l’invasion de l’Irak.
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22 octobre 1983
À partir des années 1990, le CQP devient moins actif et finit par se dissoudre en l’an 2000. La chute de l’URSS a certainement joué un rôle central dans son affaiblissement. À partir des années 1990, le monde vit dans l’illusion du néolibéralisme. C’est en somme, la fin de l’histoire : en d’autres termes, il n’existe pas d’alternative au système néolibéral qui est perçu comme le moins pire de tous. Pourtant, au cours des années 1990, 2000 et 2010, l’impérialisme n’a jamais été aussi prédateur. Les destructions et les occupations se sont succédé durant cette période.
Face à cette situation, alors qu’il n’y a plus de mouvement pour la paix clairement anti-impérialiste, ici au Québec, pour faire face et affronter les puissances bellicistes, des militants venus de divers horizons ont décidé qu’il était temps de recréer une organisation capable de lutter pour la paix, la solidarité et le désarmement dans une perspective anti-impérialiste. C’est ainsi qu’est né en 2017 le Mouvement québécois pour la paix. Son histoire sera à découvrir dans le prochain numéro de Clarté.