Le combat pour la paix au Québec : La conférence hémisphérique

Le combat pour la paix au Québec : La conférence hémisphérique


Jad Kabbanji

Mouvement québécois pur la Paix
https://www.facebook.com/MQP.QMP/
Clarté #48 – Octobre 2022


Depuis la fin de la guerre froide, jamais nous n’avons été aussi proches d’un conflit mondialisé. La victoire du camp occidental sur l’URSS s’est manifestée sur le plan militaire par trois décennies de guerres, de massacres, d’occupations et d’expansion de l’OTAN vers les pays d’Europe de l’Est. C’est justement dans cette région du monde que la guerre est désormais chaude et risque d’enflammer tout un continent et par la même, toute la planète.
Au Québec, avant même l’invasion russe de l’Ukraine, les forces de la paix se sont mobilisées pour une cause : la lutte pour la paix mondiale. Le mouvement Québécois pour la paix (MQP) demeure à l’avant-garde de ce combat qui ne peut aboutir que par la défaite de l’impérialisme. Au cours des prochaines semaines, deux événements d’importances auront lieu à Montréal pour marquer ce combat existentiel : la manifestation du 24 septembre à 14 h (place du Canada) pour la paix et le désarmement nucléaire et l’Assemblée constitutive du MQP en novembre.

Ces deux rassemblements nous invitent à revisiter l’histoire du combat pour la paix au Québec. Nous sommes présentement dans un processus de revitalisation de cette lutte et notre passé devrait être une source d’inspiration et de fierté. Si cette histoire riche remonte au début du siècle dernier, nous nous focaliserons dans ce premier volet sur ses développements à partir des années 1960 et sur l’opposition à la guerre génocidaire menée par les États-Unis au Vietnam.

Une initiative québécoise rassembleuse

En 1954, l’armée française quitte l’Indochine, défaite par les troupes vietnamiennes menées par Hô Chi Minh. S’en suit la partition du pays entre le Nord, gouverné par les communistes, et le Sud, dominé par un régime fantoche à la solde du nouvel occupant, à savoir les États-Unis. La guerre du Vietnam débutera officiellement en 1955 et prendra fin en 1975 avec le retrait des troupes d’occupation et l’unification du pays sous l’égide du Nord Vietnam.
Tout au long de ces deux décennies de guerre, des milliers d’initiatives en faveur de la paix et du retrait des troupes d’occupation se dérouleront aux quatre coins de la planète. Le Québec n’est pas en reste. Le mouvement en faveur de la paix et de la défaite de l’impérialisme organisera en novembre 1968 une des plus grandes conférences pacifistes du genre qui regroupera plus de 2 000 délégués venus des Amériques : La Conférence hémisphérique pour mettre fin à la guerre du Vietnam.
Pourquoi la région de Montréal a-t-elle été choisie pour cette conférence ? Le pasteur James Endicott, président du Canadian Peace Congress et un des parrains de la conférence, rappelle que cette initiative est venue d’un groupe de Montréalais et de Montréalaises alarmé par la guerre immorale que mène les États-Unis contre le peuple vietnamien. Rappelons qu’à cette même période, au Québec, et plus spécifiquement dans la région de Montréal, la question de l’émancipation de la nation québécoise et de son droit à l’autodétermination était au cœur des débats. Le Québec s’identifiait alors au combat de la nation vietnamienne pour son autodétermination et pour sa libération du joug de l’impérialisme états-unien. Parmi les Montréalais concernés par cette initiative, nous retrouvons le président de la conférence, Edward Sloan, ingénieur montréalais et militant pacifiste incontournable qui restera actif au sein du mouvement de la paix au Québec jusqu’aux années 1990. Également présents au sein du comité d’organisation du Québec, Fernand Daoust, vice-président de la FTQ, Fernand Dumont, directeur de l’Institut des sciences humaines à l’Université Laval, Laurette Chrétien-Sloan, présidente de la Voix des femmes pour la paix, Raymond Laliberté, président de la Corporation des enseignants du Québec, Albert Saint-Laurent, membre de l’exécutif du NPD du Québec et Pierre Vadeboncœur, avocat, syndicaliste et écrivain, pour ne nommer que quelques-unes des personnalités impliquées dans l’organisation de cet événement.

Un succès sur tous les fronts

Plus d’une centaine d’organisations était présente à cette conférence notamment, des représentants des partis communistes canadiens, québécois et d’autres pays des Amériques, les Black Panthers, le NPD, des indépendantistes québécois et des représentants officiels du Nord et du Sud Vietnam. Le journal Combat, ancêtre de Clarté, sous la plume de son journaliste Charles Lutz, résume parfaitement l’état d’esprit au cours des trois jours de délibération : « La conférence fait appel au sentiment très profond et largement répandu qui existe dans l’hémisphère occidental et qui condamne la guerre d’agression des États-Unis au Vietnam, pour exiger que le Gouvernement des États-Unis mette fin à tout acte portant atteinte à la souveraineté et à la sécurité de la République démocratique du Vietnam [du Nord], retire du Sud Vietnam toutes ses troupes, celles de ses satellites aussi bien que le matériel de guerre, évacue toutes ses bases militaires au Sud Vietnam et laisse la population sud-vietnamienne régler ses propres affaires conformément au programme politique [de la Guérilla communiste du Sud Vietnam] et des populations des deux zones du Vietnam régler entre elles la réunification pacifique de leur pays sans intervention étrangère. »
Le succès certain de cette conférence qui a rassemblé plus de 2000 délégués est en grande partie lié à l’hétérogénéité des organisations et des personnalités présentes. En somme, les divergences idéologiques ont été mises de côté pour se concentrer sur une cause urgente et juste. Un succès également, dans la mesure où cette conférence a permis de renforcer la position vietnamienne à la table des négociations. En effet, les pourparlers pour mettre fin à la guerre venaient juste de débuter à Paris entre Vietnamiens et États-Uniens. La présence de plusieurs centaines de citoyens états-uniens à cet événement, parmi lesquels des conscrits ayant brûlé leur feuille de conscription, a certainement contribué à démontrer toute l’impopularité de cette guerre aux États-Unis même. Finalement, de cette conférence se formera le noyau dur de ce qui deviendra vers le milieu des années 1970, le Conseil québécois de la paix, organisation qui jouera un rôle primordial dans le combat pour la paix mondiale au Québec durant les années 1970 et 1980. Une histoire à découvrir dans le prochain numéro de Clarté…