Le libre-échange ne libère que les monopoles

Le libre-échange ne libère que les monopoles


Léo Boivin
Clarté – Juin 2024


La colère gronde dans le secteur de l’agriculture des deux côtés de l’Atlantique. Derrière l’insatisfaction se trouve entre autres le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA). Cet accord de libre-échange permettrait la perméation complète du marché agricole canadien en Europe, et vice-versa.Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, à l’initiative des sénateurs communistes, le Sénat français refuse d’endosser son application.

Si les grands économistes parlent beaucoup des « bénéfices » présumés pour le consommateur, » ils passent nécessairement sous silence le fait que seules les multinationales seront en mesure d’y participer et les conséquences désastreuses sur les revenus des petits et moyens agriculteurs. Devenant obligés de compétitionner avec encore plus de multinationales et monopoles de l’agriculture, les ils ne pourront plus arriver à justifier leur production, et seront poussés à la misère, et à la faillite.

Ce qui s’ensuit, c’est l’appropriation massive des terres canadiennes par les mêmes multinationales qui bénéficieront d’une augmentation de leur part de marché et un élargissement de leurs entrées d’argent, au détriment des petits agriculteurs. Quand les vastes terres agricoles canadiennes cessent de profiter aux personnes qui y travaillent et y vivent, mais deviennent plutôt les fiefs de multinationales basées dans des paradis fiscaux, c’est toute la classe ouvrière qui y est perdante : la perte d’emplois stables au profit d’emplois temporaires et mal payés ; la destruction massive de l’environnement par des pratiques agricoles industrielles ; la précarisation des voies d’approvisionnement alimentaire ; la concentration du pouvoir économique parmi les monopoles, la hausse des prix des denrées alimentaires, etc… tout est construit pour précariser la classe ouvrière et accorder toujours plus de pouvoir et d’avantages aux monopoles. Les gouvernements canadien, québécois, et européens se font les parfaits laquais de ces monopoles dont ils servent les intérêts d’abord et avant tout.

Devant la colère et la crise, l’extrême-droite n’est jamais très loin et n’hésite pas à empoisonner la lutte de façon voilée au profit des monopoles. Ils seront les premiers à affirmer que la protection de « l’identité nationale » passe par la protection du marché national. Mais ce que ceci veut dire, c’est l’abolition des restrictions quant aux travailleurs agricoles temporaires (le cheap labour) pour les rendre encore plus exploités et malléables à souhait, et des autres restrictions en matière de droit du travail, d’environnement, etc. dont le retrait viendrait bénéficier d’abord et avant tout aux grands producteurs. L’extrême droite ne se fait pas défenseure de l’agriculteur, elle se fait défenseure des grands monopoles nationaux (et souvent aussi multinationaux) qui opèrent sur le territoire.

La solution n’est ni le protectionnisme national, qui bénéficie aux monopoles nationaux ; ni le libre-échange, qui bénéficie aux monopoles internationaux. Ce qui permettra aux petits et moyens agriculteurs de prospérer, c’est l’émancipation de la production canadienne des économies états-unienne et européenne par la révocation des accords de libre-échange. Ceci ne peut être atteint que par la construction d’un rapport de forces entre agriculteurs et ouvriers contre les monopoles qui contrôlent et s’approprient la production.