Augmentation du salaire moyen ou augmentation générale des salaires?
Augmentation du salaire moyen ou augmentation générale des salaires?
Adrien Welsh
Clarté – Mai 2025

Le Premier mai représente l’occasion annuelle d’augmenter le salaire minimum. Cette année, il passe à 16,10$ l’heure au Québec, représentant une hausse de 2,22% qui devrait bénéficier à 217 400 salariés, dont 118 400 femmes.
Pourtant, le plus récent rapport de l’IRIS publié en concomitance, rappelle qu’avec l’augmentation du cout de la vie qui assaille les masses populaires depuis plusieurs années, un revenu viable à Montréal se situe à 28$ l’heure. En effet, le cout du logement est censé augmenter de 11% en moyenne, le transport en commun coutera 3% de plus à Montréal.
Dans les villes éloignées dont Sept-Iles, le salaire viable est certainement plus élevé à cause des contraintes géographiques, mais aussi à cause d’une déficience d’accès aux services et infrastructures publiques (santé, éducation, transports publics adéquats), ce qui implique une baisse de salaire socialisé pour les habitants de telles régions.
Globalement, pour une personne seule, entre 2019 et 2025, on compte une augmentation de 27,8% des dépenses alimentaires, 63,7% en matière de logement tandis que le fardeau du transport s’est accru de 74,5%. Certains prétendent qu’à deux, l’avenir est mieux… Mais les chiffres, comparables, démentent l’adage. La paupérisation à marche forcée, telle est le lot des masses populaires, des travailleurs et de la classe ouvrière.
La CAQ justifie, à l’instar des gouvernements qui l’ont précédée, sa politique de salaires de misère à travers le dogme néolibéral d’un salaire minimum à 50% du salaire moyen. Le gouvernement ne s’en cache pas. Il annonce : « Avec ce nouveau taux, le ratio entre le salaire minimum et le salaire horaire moyen atteindra 50,52 %, alors que la politique gouvernementale sur le salaire minimum vise l’atteinte d’un ratio de 50 %. »
Pour l’équipe Legault, le salaire moyen québécois devrait rattraper celui de l’Ontario, supérieur de 12%. Pourtant, elle semble oublier que la province voisine accuse un retard de 12,3 milliards de dollars en investissements dans le seul secteur de la santé par rapport à la moyenne canadienne… D’emblée, une telle disparité devrait suffire à remettre en cause cet objectif qui omet dans son calcul le salaire socialisé (donc l’accès aux services publics).
On constate donc la fumisterie du salaire moyen, théorique et qui implique dans son calcul les salaires les plus élevés. Son augmentation peut se faire au détriment du salaire socialisé, mais aussi de l’équité et d’une diminution de l’écart salarial pour peu que certaines catégories soient privilégiées. Ainsi, l’idée d’un salaire minimum à 50% du salaire moyen représente donc un artifice servant à faire pression à la baisse sur les salaires en général.
Tel est le plan du gouvernement Legault qui espère que le salaire minimum demeure assez bas pour enrayer une augmentation générale des salaires, laquelle commence par une hausse conséquente du salaire minimum, de sorte que celui-ci représente un salaire véritablement viable.
Le patronat prétend qu’une telle politique induirait automatiquement une poussée inflationniste. Compte-tenu du fait que 80% de la population ne consomme que 30% des biens disponibles, on comprend que cette poussée ne peut concerner qu’une partie minime des prix des marchandises à la vente, ce qui pousse au ridicule un tel argument. Du reste, ces économistes en retraite devraient expliquer, si tel est le cas, que la hausse des prix survient alors que les salaires réels stagnent ou baissent. On leur rétorquera par ailleurs qu’il a été prouvé qu’au plus haut de la pression inflationniste des dernières années, il a été prouvé qu’en Union européenne, les prix des denrées alimentaires ont continué d’augmenter même si les intrants étaient payés à rabais. Le même constat peut être dressé par rapport à l’industrie porcine québécoise où les producteurs agricoles vendent à perte alors que le prix à la vente ne baisse pas pour autant.
En réalité, et au grand dam du patronat, l’augmentation générale des salaires n’implique donc qu’un transfert de fonds du capital vers le travail, forçant donc le monopoles à réinvestir plutôt qu’accumuler. Elle implique également des investissements en matière technologique puisque, sans pouvoir recourir aux salaires de misère, il deviendra moins rentable de presser le citron que d’investir dans de nouvelles technologies capables de réduire la pénibilité (et éventuellement, le temps de travail). Dans certains cas, la nationalisation est de mise, extrayant des secteurs économiques-clé des féodalités économiques, ce qui n’est pas pour nous déplaire d’ailleurs…
L’histoire nous a prouvé que l’augmentation générale des salaires n’a jamais produit la catastrophe escomptée. En mai 1968, à la suite de semaines d’occupation des usines de Dassault, Renault, Peugeot, etc. en France, les Accords de Grenelle ont forcé le patronat à accorder une augmentation du salaire minimum de 35%… en un mois pratiquement. Les salaires en général auraient, quant à eux, augmenté de 15%. Même des ministres de droite de l’époque, dont Balladur, sont obligés de faire amende honorable et de constater qu’au final, une telle mesure a permis de garantir une relance économique et ce, sans grandes dépenses publiques!
À bon entendeur…