Sherbrooke : La politique citoyenne ne remplace pas la politique ouvrière

Sherbrooke : La politique citoyenne ne remplace pas la politique ouvrière


Léo Boivin
redaction@journalclarte.ca
Clarté #55 – Janvier 2024


Aux élections municipales de 2021, Sherbrooke Citoyen (SC) a réussi à atteindre la mairie (Évelyne Beaudin), ainsi que six conseillers et conseillères (sur un total de quatorze sièges). Aux élections de 2017, une seule conseillère avait été élue. Ce parti a réussi son pari électoral en s’appuyant surtout sur la promesse de régler la crise du logement, d’améliorer la transparence du gouvernement municipal, et de centre l’action politique sur le « citoyen. »

Qu’en est-il aujourd’hui ? SC se trouve dans une position très précaire. Pour l’illustrer, nous pouvons décrire les actions de SC dans sa promesse de « résolution » de la crise du logement. L’ensemble des solutions proposées par SC se voulaient un « juste milieu » entre les demandes des locataires et celles des propriétaires : après tout, tant les locataires que les propriétaires sont « citoyens » !

La solution à la crise du logement est bien connue : plus de logements sociaux, et une réduction considérable du pouvoir des propriétaires. C’est d’ailleurs ce que revendique depuis des années, sur le terrain, l’association des locataires de Sherbrooke. Pour trouver une « solution » de meilleur gout pour les monopoles locaux dont il doit se faire laquais, SC et son conseil municipal ont entamé une « commission ad hoc » sur la question du logement. Le rapport, détaillant les avis de groupes de propriétaires et de locataires, émet sept recommandations qui n’ont comme but que de reporter la solution à plus tard.

Le parti d’Évelyne Beaudin a réussi son pari électoral en courtisant la « gauche » citoyenne et les éléments plus ouvriers de la population sherbrookoise. Le soutien de la droite et des monopoles penchait davantage vers ses opposants (notamment Luc Fortin). Une fois au pouvoir, SC a dû faire ses preuves envers le capitalisme monopoliste d’État afin de justifier son statut en tant qu’alternative crédible aux yeux de la bourgeoisie (aliéner l’association des locataires, et démanteler un campement de sans-abri, à titre d’exemple). Ce faisant, les forces progressistes qui soutenaient ce parti en ont retiré leur soutien.

Politique citoyenne ou politique civique?

La politique « citoyenne » est d’abord et avant tout une politique d’apparences, de posture. Son but est de masquer les contradictions de classe. Il est effectivement impossible de réconcilier les contradictions du capitalisme au sein même de ce système. C’est pourtant ce rôle de médiateur que cherche à assumer SC.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut confondre politique citoyenne et civique (ou municipale). En effet, cette dernière n’a ni pour but d’être un médiateur du capitalisme, ni de créer des ilôts de socialisme, mais plutôt de se détacher du rôle confiné par le capitalisme monopoliste d’État à l’échelon municipal. Dans l’état actuel des choses, le rôle des municipalités se résume essentiellement à deux éléments : servir de soupape politique et organiser le territoire selon les besoins des grandes entreprises. Exit, donc, la municipalité comme échelon démocratique d’autant plus que ses pouvoirs sont des plus limités. Elle n’est même pas reconnue comme échelon gouvernemental dans la Constitution canadienne…

Ainsi, à Sherbrooke comme ailleurs, il y a moyen de faire de l’échelon municipal un élément structurant dans la lutte contre le pouvoir des monopoles. Cependant, il faut, pour y parvenir, s’attaquer au cadre contraignant qui empêche, notamment, aux municipalités d’imposer les entreprises sur leur territoire (dans un but de diminuer les taxes imposées aux résidents) et qui réduit les prérogatives démocratiques de cet échelon local.

Or, pour parvenir à un tel résultat, il n’est pas question, contrairement à ce que fait miroiter SC et ce à quoi mordent différents gauchistes, de promettre que l’échelon municipal règlera les problèmes locaux, pas même celui du logement. Il s’agit au contraire d’être probe et honnête : la lutte politique municipale doit s’inscrire dans un combat plus large avec les mouvements syndical, démocratiques et populaires contre le pouvoir des monopoles. Plus particulièrement, pour ce qui est des questions municipales, l’objectif est de créer un mouvement de réforme qui permettra aux municipalités d’y prendre part plus activement.