Guerre en Ukraine : Vers un retour du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick?

Guerre en Ukraine : Vers un retour du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick?


Denis Boulet
Clarté #47 – Août 2022


Depuis que les tensions ont atteint leur paroxysme en Ukraine en février dernier, les sanctions occidentales visant à punir la Russie pour son invasion ont provoqué des bouleversements dans le monde de l’énergie, car on tente de réduire la capacité de la Russie à exporter ses produits de base les plus vendus, notamment le gaz naturel.

Plusieurs militants du Nouveau-Brunswick se souviennent des années 2010, alors que se tenaient des mobilisations populaires contre l’exploitation du gaz de schiste dans la province. Des aîné.e.s autochtones et des personnes inquiètes de toutes les communautés linguistiques, ont formé une vaste coalition contre la fracturation hydraulique, afin de préserver l’eau potable et le paysage rural. Les manifestants non violents ont fait face à un blocus de plus de 200 agents de la GRC qui ont arrêté 40 personnes lors d’une descente matinale en octobre 2013.

La pression publique croissante, qui s’était étendue à d’autres régions de la province avec des blocages de rampes d’autoroutes, en solidarité, a créé une indignation qui s’est traduite par l’éviction du gouvernement conservateur de David Alward. Cette mobilisation populaire a forcé le subséquent gouvernement libéral de Brian Gallant à introduire un moratoire sur la fracturation hydraulique dans la province jusqu’à ce que davantage de recherches et d’informations soient disponibles et que les risques pour la santé, l’eau et l’environnement soient pleinement compris.

Depuis lors, l’inquiétude du public à ce sujet s’est considérablement calmée, le gaz de schiste ayant disparu du cycle des nouvelles pendant de nombreuses années. Mais que se passerait-il si la guerre en Ukraine avait un tel impact sur le prix du gaz naturel, en raison de l’augmentation de la demande européenne, qu’elle poussait le Nouveau-Brunswick à reconsidérer son moratoire ? Après tout, selon Ressources naturelles Canada, le Nouveau-Brunswick possède 77,9 trillions de pieds cubes de « gaz naturel techniquement récupérable ».

« Il n’y a vraiment aucun argument en faveur du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick », affirme Jim Emberger, porte-parole de l’Alliance anti-gaz de schiste du Nouveau-Brunswick. « Du côté scientifique, la science du climat dit clairement que nous ne devrions pas commencer de nouveaux projets de combustibles fossiles – point final. Une nouvelle industrie gazière, avec ses puits qui laissent échapper du méthane, rendrait difficile l’atteinte de tout objectif de réduction des émissions. Il n’y a pas non plus d’arguments économiques en sa faveur. Le prix du gaz naturel est très volatile. S’il est actuellement très élevé, il a été si bas pendant la majeure partie de la dernière décennie que les actionnaires ont perdu des fortunes. Il était si bas parce que l’offre était bien supérieure à la demande ».

La principale chose à surveiller, selon Emberger, est une éventuelle clameur pour la construction de nouveaux terminaux GNL (gaz naturel liquéfié) sur la côte atlantique. « Sans la construction de terminaux de GNL et un nouveau marché à long terme, il n’y a pas d’argument financier pour le schiste du Nouveau-Brunswick, quel que soit le prix. (…) Ce qu’il faut surveiller, c’est la force avec laquelle le gouvernement pousse les projets de GNL de l’Atlantique, car ce sont les pivots [de l’industrie] ».

Notes :

  • Le Nouveau-Brunswick possède un terminal d’importation de GNL : Saint John LNG
  • Le prix du pétrole brut (WTI) a grimpé de près de 120 dollars le baril au début du mois de mars et est resté au-dessus de 90 dollars depuis le début de la guerre. Le prix du gaz naturel négocié aux États-Unis s’approche de 8 $/MMBtu pour la première fois depuis 2008, car la demande mondiale en forte hausse cherche à remplacer le gaz russe, tandis que le gaz naturel négocié dans l’UE a dépassé les 40 $/MMBtu.