Élections en Équateur et au Guatemala : une nouvelle « marée rose » ?

Élections en Équateur et au Guatemala : une nouvelle « marée rose » ?


Greg Beaune
redaction@journalclarte.ca
Clarté #53 – Octobre 2023


Les derniers mois ont marqué un tournant dans la politique latino-américaine. Deux États, autrefois fermement contrôlés par une droite profondément liée aux intérêts impérialistes, le Guatemala et l’Équateur, ont organisé des élections générales. Les résultats ont été stupéfiants : dans le cas du Guatemala, le centre gauche a remporté une victoire écrasante et, dans le cas de l’Équateur, un parti s’identifiant au « socialisme démocratique » est en tête pour un second tour.

Au Guatemala, les élections générales qui se sont déroulées en deux tours, le premier le 25 juin et le second le 20 août, ont vu le président de droite Alejandro Giammettei et son parti Vamos s’effondrer complètement, face à deux partis concurrents de centre gauche : Movimiento Semilla et l’Unité nationale pour l’espoir (UNE) qui se sont imposés comme les principaux candidats. Au second tour, le candidat du Movimiento Semilla, Bernardo Aravelo, l’a emporté sur la candidate de l’UNE, Sandra Torres, avec une avance décisive de 20 % et en remportant plus de 60 % des suffrages.

Il faut noter ici que le Movimiento Semilla est une formation politique très récente : il a été créé en 2017, dans la foulée du mouvement de protestation de 2015 qui a conduit à la démission du président de l’époque, Otto Perez Molina. À ce titre, la ligne du parti est marquée par une orientation « anti-corruption ». Cette base politique peut s’avérer instable du point de vue de la classe ouvrière, d’autant plus que le parti a dû chercher le soutien d’électeurs de droite pour assurer sa victoire. Cela a toutefois pu aider le parti dans sa lutte contre l’UNE et Sandra Torres qui sont toutes deux des figures politiques de longue date dans l’histoire contemporaine du Guatemala et qui sont elles-mêmes embourbées dans divers scandales de corruption.

En Équateur, la situation est toujours en évolution, puisque seul le premier tour de scrutin sur deux a eu lieu, dans le contexte d’une élection marquée par une extrême violence politique. L’un des candidats, le journaliste anticorruption de centre droit Fernando Villaviciencio, a été assassiné quelques jours avant l’élection et la future gagnante du premier tour, Luisa Gonzalez, du mouvement « démocratique – socialiste » Révolution citoyenne, a été attaquée avec ses partisans par la police équatorienne au mois de juin, alors qu’ils étaient en route pour enregistrer sa candidature.

Les deux têtes de liste pour le second tour sont Luisa Gonzales, qui a obtenu 33,6 % des voix, et un héritier conservateur et riche capitaliste, Daniel Noboa, qui a lui-même obtenu 23,4 % des voix et qui est soutenu par l’Action démocratique nationale, une coalition nébuleuse ayant des liens avec l’administration conservatrice en place.

Alors que le Movimiento Semilla au Guatemala reste relativement flou sur le plan politique, le Mouvement de la révolution citoyenne de Gonzales est plus prometteur du point de vue des intérêts de la classe ouvrière. En effet, l’organisation a vu le jour lorsque Rafael Correa a quitté le PAIS sous la direction de Lenin Moreno, en raison de désaccords avec le virage opportuniste de plus en plus à droite que prenait le parti. Il a rapidement été rejoint par des défecteurs de l’aile gauche du parti. Quant à l’adversaire de Gonzales, Noboa, le fait qu’il soit l’héritier d’un empire d’exportation de bananes et que sa campagne soit centrée sur une rhétorique de « lutte contre la criminalité » devrait être plus que suffisant pour identifier son caractère de classe et ses allégeances géopolitiques…

Une certaine dynamique s’installe en Amérique latine. L’effondrement des partis et des formations politiques traditionnels, en particulier ceux de droite et inféodés aux intérêts impérialistes nord-américains, semble s’imposer comme une forte tendance. On pense à la récente défaite de l’Urribismo en Colombie, mais aussi au retour au pouvoir ces dernières années du MAS en Bolivie grâce à une résistance populaire sans précédent contre le régime putschiste. On pense également au Pérou où les élites traditionnelles de droite ont été démocratiquement renversées avant qu’elles ne ripostent violemment et ne lancent un coup d’État contre Castillo, établissant un régime putschiste soutenu par l’Occident qui se maintient grâce à un assaut meurtrier et brutal contre les masses péruviennes visant à restaurer leur victoire démocratique. Nous devons toutefois garder à l’esprit les faiblesses et les contradictions inhérentes à la première « vague rose » latino-américaine et nous rappeler que ce n’est que par le pouvoir socialiste et celui de la classe ouvrière que l’impérialisme peut être véritablement tenu en échec à long terme. En ce qui concerne le Guatemala et l’Équateur, nous devons rester vigilants face à toute intrigue réactionnaire soutenue par l’impérialisme, que ce soit par des moyens putschistes ou par le « lawfare », dans les mois à venir.