Élections Montréal a permis l’ouverture d’une brèche dans le monopole postal
Élections Montréal a permis l’ouverture d’une brèche dans le monopole postal
Courrier du lecteur
Clarté – Novembre 2025

La grève du Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes se poursuit et le gouvernement fédéral a choisi de laisser pourrir le conflit à l’avantage de l’employeur. Cette inaction calculée a eu des conséquences directes sur l’organisation des élections municipales de novembre 2025 au Québec, révélant jusqu’où la déréglementation du service postal peut miner un service public.
Privées de Postes Canada, les municipalités se sont retrouvées sans moyen pour distribuer les millions de cartes d’électeurs. Une tâche normalement assurée en une journée par les facteurs et factrices a provoqué un vent de panique dans le monde municipal. Le Directeur général des élections du Québec a invité les villes à improviser : recours à des groupes communautaires, scouts, équipes de hockey mineur, pompiers volontaires et personnel électoral. Plusieurs syndicats comme le SCFP, par solidarité, ont rapidement exclu les employés municipaux pour ne pas faire le travail de briseurs de grève. Rapidement, la plupart des contrats ont abouti à des entreprises privées employant des gig workers, sans formation ni encadrement.
Le coût s’est envolé : à Montréal, la distribution des cartes a coûté près du triple qu’à l’habitude ; à Gatineau, jusqu’à 6 $ par porte. Même lorsque Postes Canada a repris partiellement ses activités début octobre, les contrats étaient déjà signés. Ce transfert forcé d’un service public vers le privé a ouvert une brèche dans le monopole postal légal, que Postes Canada n’a ni dénoncée ni freinée.
Les conséquences ont été désastreuses. Dans les immeubles locatifs et les tours à condos, les livreurs privés n’avaient pas accès aux boîtes postales. Le courrier électoral, pourtant confidentiel, s’est retrouvé empilé à l’entrée des bâtiments. Des milliers de lettres contenant les renseignements personnels des électeurs ont été abandonnées, parfois disparues. Des concierges ont même supplié les facteurs de livrer gratuitement ces lettres afin d’éviter que des documents officiels ne traînent à l’extérieur.
Cette négligence illustre le projet politique promu depuis des années par les libéraux et les conservateurs : saborder le service public postal pour ouvrir la voie au profit privé. Le rapport Kaplan en avait tracé les lignes cet été. Ce système à deux vitesses se met en place sous nos yeux : un courrier plus cher, plus rare et moins sûr pour la majorité, pendant que le secteur privé s’accapare les marchés lucratifs de la livraison.
On remplace des emplois syndiqués et stables par des contrats précaires et mal payés. On banalise la violation du monopole postal au nom de l’« urgence », alors que cette désorganisation découle directement de la stratégie gouvernementale. Le silence de Postes Canada s’explique : la société d’État, appuyée par Ottawa et les grands médias, profite de la situation pour discréditer ses propres travailleurs en lutte.
Face à cette dérive, la réponse ne peut être qu’un renforcement du service public. Il faut restituer à Postes Canada son mandat social :
- nationaliser l’ensemble du secteur de la livraison de colis, pour le soustraire à la logique du profit ;
- créer une banque postale publique, offrant des services financiers universels, accessibles et sécurisés ;
- rétablir la direction du service postal sur des bases démocratiques, au service de la population et non de l’entourage des libéraux et conservateurs.
En défendant le droit de tous à un service postal sûr, abordable et universel, on défend bien plus qu’un simple moyen de communication : on défend l’idée même d’un bien commun, conquis par des générations de travailleurs et que le gouvernement à la solde des multinationales cherche aujourd’hui à démanteler.